Cédric Herrou, l’homme par qui la fraternité est entrée dans la Constitution

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Par Vincent-Xavier MORVAN - BREIL-SUR-ROYA (France) (AFP)
Publié le 14 juillet 2018 - 12:25
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Cédric Herrou à la sortie du palais de justice le 4 janvier 2017 à Nice
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© Valery HACHE / AFP
Cédric Herrou quitte le tribunal de Nice après son procès pour assistance illégale aux migrants, le 10 février 2017
© Valery HACHE / AFP

Symbole de l'aide aux migrants à la frontière franco-italienne, Cédric Herrou est devenu, après une décision du Conseil constitutionnel, celui qui a fait entrer le "principe de fraternité" dans le droit français: héros pour beaucoup, il attire aussi les critiques, y compris chez certains militants humanitaires

"Un pied de nez aux représentants de la justice, aux députés et sénateurs": l'agriculteur de 38 ans, installé dans la vallée frontalière de la Roya depuis 2002, exulte depuis que les sages, après un pourvoi en cassation formé par son avocat, ont reconnu à la fraternité sa valeur constitutionnelle le 6 juillet.

"C’est une avancée gigantesque, on va pouvoir continuer ce qu’on fait sans être emmerdés", se réjouit un de ses partisans, Hubert Jourdan, de l’association Habitat et Citoyenneté, qui a accueilli à Tourrettes-sur-Loup, dans l'arrière-pays niçois, un millier de réfugiés l’an dernier. "Cédric a eu un flash à la maison. C’est un solitaire, il vit avec ses poules, ses trucs, et il s’est rendu compte que le combat valait le coup. Aujourd’hui, il est à 500%!".

Cédric Herrou reconnaît qu’au début il s’est "mis des œillères". "En 2015, les frontières se ferment et je suis témoin de ces gens bloqués sur les rochers de Vintimille. J’ai d’abord fait comme tout le monde, j’ai baissé les yeux", se rappelle-t-il.

Neuf gardes à vue et deux procédures judiciaires plus tard, il est devenu la figure de proue de la cause des réfugiés.

À Breil-sur-Roya, sa ferme, transformée en "camping international" selon ses mots, est encerclée par trois postes de gendarmes mobiles qui se relaient jour et nuit. Une cinquantaine de migrants, en moyenne, y trouvent néanmoins refuge chaque semaine. Son père, Christian, premier soutien, est "fier de son fils", tout comme Jackie, sa maman, "même si ce n’est pas évident à vivre".

Au départ, la famille, qui accueillait des enfants placés et en a adopté deux, dont un trisomique, vivait dans la cité de l’Ariane, à Nice. "Cédric ne faisait pas la différence entre les Beurs et les Français", se souvient son père.

- "La couverture, elle est assez grande" -

"Il a fait un bond en avant extraordinaire, se félicite-t-il aujourd'hui, louant sa "facilité d’élocution avec les autorités". Des qualités dont il lui faudra encore user le 22 octobre, date à laquelle il doit comparaître à Nice pour injure publique à l’égard du préfet des Alpes-Maritimes. Volontiers provocateur, le trentenaire, titulaire d'un CAP de mécanique automobile, l'avait incité à s’inspirer du "transport des Juifs" pendant la guerre pour assurer celui des demandeurs d’asile.

Très critique des actions menées par Cédric Herrou, le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a quant à lui déposé plainte pour diffamation --après que le militant l'a accusé de vouloir réserver aux migrants, en les renvoyant en Libye, un traitement comparable "aux chambres à gaz".

Dans la Roya, tous reconnaissent aujourd'hui qu’Herrou a fait "bouger les lignes". Mais certains estiment aussi qu’il tire un peu trop la couverture médiatique à lui. "La couverture, elle est assez grande, et s’ils veulent aller en garde à vue…", coupe l’intéressé, qui n’a jamais eu de téléviseur et lit peu les journaux.

En mai, il a même monté les marches du Festival de Cannes, pour le documentaire "Libre", de Michel Toesca. "Dans le film, on a l’impression qu’il est tout seul, mais Cédric, ce n’est pas toute l’histoire des migrants", déplore pourtant un militant.

Françoise Cotta, qui l’avait assisté dans une première affaire, regrette qu’il soit "un peu coupé de la population locale". "Moi, ce que je fais s’inscrit dans une réalité sociale, celle des habitants", avance l’avocate qui héberge des réfugiés à Breil. "Faux, je suis un fêtard, je connais tout le monde", lui répond le trentenaire.

En septembre dernier, en quête d'"autonomie financière", il a créé sa propre association, Défends ta citoyenneté. Ses initiales, DTC, signifient aussi, chez les jeunes, "Dans ton cul". "Un peu de déconne et de légèreté", sourit Cédric Herrou.

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