"Confiance" dans la justice : Dupond-Moretti défend son remède devant des députés pas convaincus

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Par Anne Pascale REBOUL - Paris (AFP)
Publié le 18 mai 2021 - 05:24
Mis à jour le 19 mai 2021 - 02:16
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Rentrée solennelle à la Cour d'appel de Paris, le 14 janvier 2021
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© Ludovic MARIN / AFP/Archives
Rentrée solennelle à la Cour d'appel de Paris, le 14 janvier 2021
© Ludovic MARIN / AFP/Archives

Procès filmés, droits renforcés dès l'enquête préliminaire et encore signal envoyé aux forces de l'ordre: l'Assemblée nationale a entamé mardi l'examen du projet de loi pour la "confiance" dans la justice d'Eric Dupond-Moretti, sur lequel les oppositions sont partagées.

"La confiance des Français dans la justice s'érode chaque jour davantage, au point de mettre en danger notre pacte social", a lancé d'emblée le garde des Sceaux et ancien avocat, grave.

Parmi les causes qu'il identifie: "lenteur des procédures, insuffisance chronique des moyens", contre lesquelles le gouvernement "agit fort", et aussi "méconnaissance de son fonctionnement et critiques incessantes".

Dans les mesures phares du projet de loi figure à l'article 1er "l'enregistrement sonore ou audiovisuel" des audiences en vue de leur diffusion, "pour un motif d'intérêt public" une fois le dossier définitivement jugé.

"Je veux que les Français voient comment on juge", a insisté le ministre dans la soirée, face aux craintes des oppositions d'une moindre "sérénité" des débats ou d'une dérive vers de la "téléréalité".

L'idée du ministère est celle d'un programme télévisé régulier, "thématique par thématique" avec des décryptages de professionnels. Ce ne seront "pas forcément les grands procès", a insisté le ministre, citant divorces, affaires civiles ou commerciales "dans les territoires".

"Nous avons pris toutes les précautions" sur "le droit à l'image, l'anonymisation" notamment, a insisté l'ancien avocat vedette.

Un amendement gouvernemental, qui sera discuté mercredi, entend élargir l'enregistrement aux auditions et interrogatoires par le juge d'instruction.

Objet de quelque 800 amendements, le projet de loi d'une quarantaine d'articles, accompagné d'un volet organique, est au menu jusqu'à vendredi, avant un vote solennel le 25 mai. Parallèlement, le ministre mène campagne aux élections régionales dans les Hauts-de-France.

- Pas "la justice du quotidien" -

Le texte comprend d'autres sujets grand public comme le développement du travail en détention ou le renforcement du secret des avocats.

Mais aussi des dispositions plus techniques, trop tournées vers la justice pénale aux yeux de la gauche et de l'UDI, qui auraient souhaité s'atteler à "la justice du quotidien, la justice civile".

Socialistes et insoumis ont défendu en vain des motions de rejet préalable.

De leur côté, les députés LR, insatisfait notamment du volet sur l'exécution des peines, veulent "durcir le texte".

Le projet de loi mécontente dans le monde judiciaire, qui voit dans certaines dispositions des mesures de "défiance" envers les magistrats et s'alarme de la "réforme permanente".

Dans leur viseur notamment, la limitation de principe à deux ans des enquêtes préliminaires pour accélérer les procédures. Mais seules 3% dépassent cette durée, relève l'Union syndicale des magistrats, qui oppose un "manque de moyens de police judiciaire" et le temps nécessaire aux enquêtes politico-financières.

Dans les mesures les plus critiquées par les députés figure la généralisation des cours criminelles départementales, sans attendre la fin de leur expérimentation prévue pour 2022.

Ces cours, composées de cinq magistrats professionnels, sans jury populaire, ont été mises en place pour désengorger les cours d'assises et jugent en première instance des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, majoritairement des viols.

Eric Dupond-Moretti, qui craignait jadis qu'elles ne remplacent les cours d'assises, a changé d'avis, ce qu'épinglent professionnels et parlementaires.

Autre sujet sur lequel la gauche va monter au créneau: la suppression des crédits de réduction de peines automatiques. Eric Dupond-Moretti veut "des crédits de peine exclusivement à l'effort", en fonction de la "bonne conduite" en détention et des "efforts de réinsertion".

Le gouvernement veut raffermir ce volet pour les agresseurs de forces de l'ordre, après le meurtre d'un brigadier à Avignon lors d'une opération de contrôle sur un point de deal.

Des milliers de policiers doivent d'ailleurs se rassembler mercredi devant le Palais Bourbon à l'appel des syndicats pour réclamer plus de sévérité pénale.

M. Dupond-Moretti, qui ne devrait a priori pas rejoindre ce rassemblement, à l'inverse de son collègue Gérald Darmanin (Intérieur), a récusé dès mardi dans l'hémicycle tout "laxisme" de la justice qui, "elle aussi, mérite le respect".

parl-reb/nzg

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