Confinement : luthier, prof de danse ou photographe, ils posent nus pour dénoncer leur "agonie"

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Par Maureen COFFLARD - Ajaccio (AFP)
Publié le 21 novembre 2020 - 11:51
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Caroline Gilles photographie Virginie Dervaux, commerçante à Vescovato (Corse) le 19 novembre 2020 qui a choisie de poser nue pour dénoncer son "agonie" liée au confinement
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© Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP
Caroline Gilles photographie Virginie Dervaux, commerçante à Vescovato (Corse) le 19 novembre 2020 qui a choisie de poser nue pour dénoncer son "agonie" liée au confinement
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"C'est une agonie": luthier, professeur de danse, organisatrice d'événements ou commerçante, tous ont posé nus en Corse devant l'objectif d'une photographe pour exprimer "leur détresse psychologique et financière" face au confinement qui les empêche "injustement" selon eux de travailler.

"Le plus dur, c'est l'injustice, la catégorisation arbitraire des commerces essentiels et non-essentiels, alors que rien ne prouve qu'on puisse être des vecteurs de la maladie", explique à l'AFP la photographe Caroline Gilles, 43 ans, elle-même contrainte de fermer son studio de Vescovato (Haute-Corse), près de Bastia.

Elle a repris l'idée d'un confrère mosellan, qui avait réalisé un autoportrait nu, avec une phrase choc: "Quitte à être mis à poil par le gouvernement, autant le faire moi-même".

Bénévolement, et en prenant le risque de recevoir une amende en accueillant la plupart de ses modèles dans son studio, Caroline Gilles a réalisé 43 portraits nus en 10 jours, dont le sien. Diffusés sur les réseaux sociaux, les clichés en noir et blanc totalisaient vendredi soir plusieurs dizaines de milliers de vues.

"C'est une agonie. On pose à poil parce qu'on est vraiment au bout. Les gens qui viennent sont en détresse psychologique et financière", assure-t-elle, évoquant des modèles qui ont tous "peur d'aller dans la précarité". Spécialiste des photos de naissances, elle-même regrette "ces moments qu'on rate et qui ne reviendront plus jamais", et peste contre les photomatons, "jamais désinfectés", qui restent ouverts.

Virginie Dervaux, commerçante d'articles de sports à Ghisonaccia (Haute-Corse) a ainsi choisi de poser nue avec une pile de factures en confiant à la photographe son "impression qu'il n'y a plus que ça, que sa vie se résume à des factures", ignorant comment les payer.

- "On étouffe" -

"C'est l'agonie, on étouffe, si ça continue, dans six mois, on met la clé sous la porte", abonde auprès de l'AFP Sandy Le Dall-Giovansily, 41 ans, jointe par téléphone. Pour elle, la séance photo a été "limite bouleversante. Ça prend aux tripes, j'y suis allée sans maquillage, sans rien et on est vraiment à nu, on sent la haine qui monte, les larmes, ça m'a vraiment fait comprendre qu'on est au fond du trou", glisse cette femme à la tête d'une entreprise dans l'événementiel.

"On a de la colère, du dégoût, de la peine, on se sent tous ensemble mais tous impuissants, sans solution", ajoute-t-elle, néanmoins réconfortée par cette solidarité.

Un sentiment qui a aussi poussé Charles Vincensini, professeur de danse de couple de 24 ans, à tomber l'habit et prendre une pose de paso doble, la danse espagnole, juste vêtu de chaussures.

Le premier confinement a "enclenché la fermeture" de son ancienne école de danse sur le continent et son retour en Corse où il a créé une nouvelle structure en septembre à Biguglia. "J'ai beaucoup de frais engagés. Si ce deuxième confinement dure trop longtemps, je vais devoir fermer, alors que je n'aurais pas pu rêver meilleur démarrage puisque j'ai déjà plus de 100 élèves", regrette-t-il.

"C'est une manière forte de manifester notre désapprobation avec un côté irrévérencieux pour marquer les esprits", témoigne quant à lui Christian Magdeleine, 57 ans, luthier à Bastia. Avec sa courte barbe blanche soignée et ses mains habiles, lui a choisi de poser dans son atelier derrière une guitare en fabrication.

"Le premier confinement avait une logique (...), une situation d'urgence qu'on a tous ressenti comme nécessaire malgré les implications économiques. Là ce n'est pas le cas, on se demande vraiment pourquoi on a été sacrifiés", ajoute-t-il, pointant des mesures "complètement illogiques" dans son activité.

Si son activité de luthier est interdite, celle, annexe, de réparation, réglage et vente d'accessoires, si elle dépassait 50% de son chiffre d'affaires, lui permettrait d'ouvrir car jugée essentielle alors qu'elle brasse beaucoup plus de clientèle et donc de risque sanitaire, explique-t-il.

Avec une clientèle de musiciens lourdement impactée, il craint aussi le "double effet +Kiss Cool+" d'une crise sur le long terme.

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