Covid-19 : Les milliards perdus du ski français

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Par Ulysse BELLIER, avec Lea DAUPLE à Paris - Grenoble (AFP)
Publié le 28 janvier 2021 - 08:00
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Des remontées mécaniques à l'arrêt dans la station du Grand Bornand, en Haute-Savoie, le 21 janvier 2021
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© JEFF PACHOUD, - / AFP/Archives
© JEFF PACHOUD, - / AFP/Archives

Une semaine après l’annonce d’une fermeture des remontées mécaniques prolongée en février, les acteurs économiques de la montagne ont commencé à sortir leur calculettes et le bilan inquiète tout le monde: des milliards d’euros de revenus perdus pour ces territoires.

Alors que le gouvernement doit encore préciser son dispositif d’aide, passage en revue, secteur par secteur, des conséquences économiques de cet effondrement du tourisme hivernal.

Sociétés de remontées mécaniques: une perte sèche

Si l’hypothèse d’une saison blanche se confirme, "on perdra quasiment 100% de notre chiffre d’affaires", soit environ 66 millions d’euros, explique Jérôme Grellet, directeur général de la Setam, qui exploite les remontées mécaniques de Val Thorens.

La station savoyarde, très dépendante du ski alpin, paye aussi l’absence des touristes étrangers, qui représentent 70% de sa clientèle.

“La saison est définitivement terminée” pour Jacques Alvarez, directeur adjoint de la station de Font Romeu-Pyrénées 2000, une des plus importantes du massif. Elle ne rouvrira pas en mars et ses dameuses ont arrêté de préparer des pistes vides.

Au total, les opérateurs de remontées mécaniques perdront au moins environ un milliard d’euros, soit 80% du chiffre d'affaires d’une saison, rapporte le représentant du secteur, Domaines skiables de France (DSF).

La double-peine de l'hôtellerie-restauration

Dans l’hôtel l’Equipe de Morzine (Haute-Savoie), il y avait, mercredi, cinq clients pour 45 chambres et aucun salarié. "On fait ça avec nos enfants", raconte Annabel Beard, la patronne, qui emploie d’habitude jusqu’à 15 personnes au pic de la saison, “mais sans le ski alpin à Morzine, c’est très difficile.”

Elle assure que seulement quatre hôtels sont encore ouverts sur la trentaine que compte la station. Le sien a suffisamment de trésorerie pour passer la saison, “mais on va pas du tout investir à l’automne” pour des travaux, ce qui selon elle “va faire boule de neige pour les entrepreneurs”.

Pour La Folie Douce, qui exploite huit restaurants dans les Alpes dont beaucoup ne sont accessibles qu’en remontées mécaniques, "les pertes sont de quasiment 100%", assure le directeur général Artur Reversade.

Alors que l’entreprise avait généré un chiffre d’affaires de 44 millions d’euros l’année dernière, il se dit certain que la saison sera blanche: “on ne pourrait pas se permettre d’ouvrir fin février, ça engendrerait énormément de coûts”.

Pascale Jallet, déléguée générale du Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) considère qu’une saison perdue représenterait "environ 700 millions d’euros" de manque à gagner pour son secteur.

Commerces: chiffre d’affaires en chute libre

En montagne, nombre de commerces sont très dépendants du ski alpin. Dans la commune des Belleville (Savoie), où sont situées les stations de Val Thorens, Les Menuires et Saint Martin, l’activité touristique "fait vivre entre 350 et 400 commerces et prestataires" et génère “12.000 emplois”, estime son maire Claude Jay.

Pour les magasins de location de ski Sport 2000, la baisse d’activité est de 90% cette saison, indique le directeur général Stéphane Solinski.

Une saison blanche entraînerait "près de 500 millions d’euros de perte de chiffre d’affaires", pour les quelque 1.500 commerces saisonniers et entreprises adhérant au syndicat professionel Union Sport et Cycle, indique son délégué général Virgile Caillet.

"Des saisons totalement blanches, ça n’avait jamais existé, les modèles économiques ne sont pas faits pour assumer un hiver avec zéro revenu", ajoute-t-il.

Collectivités: un effondrement prévu de recettes essentielles

Jean-Pierre Rougeaux, le maire de la station de Valloire, en Savoie, a fait ses calculs mardi: sa commune va perdre environ 1,2 millions d’euros de recettes diverses, sur un budget de fonctionnement de 8 millions.

Sans les 600.000 euros de taxes perçues de remontées mécaniques ni les 500.000 euros de taxes de séjour, ni encore les loyers de restaurants d’altitude que ne demande pas la mairie cette année, "on va réduire au maximum ce qui est réductible", par exemple la réfection des routes, ajoute-t-il.

Dans l’idéal, il aimerait être "remboursé à l’euro près (par l’État), mais faut pas rêver". "Qu’on soit un peu appauvri, on arrive à le comprendre, mais qu’on soit ruiné, c’est inconcevable", lance-t-il.

Parmi les saisonniers, la crainte d’une casse sociale

Derniers maillons de l’économie du tourisme, ils sont chaque hiver 140.000 à travailler dans les stations de ski. Si certains, embauchés, ont pu bénéficier du chômage partiel, deux tiers d’entre eux restent sans ressources, selon Eric Becker, représentant Force Ouvrière des saisonniers et des salariés de remontées mécaniques. Certains, dit-il, "n’ont plus de revenus depuis le mois de mars".

"On va se retrouver avec toute une population de saisonniers qui va être dans la misère", ajoute-t-il.

Le 26 janvier, Jean Castex a annoncé qu’il recevrait "la semaine prochaine" les élus et les professionnels de la montagne "pour amplifier, au besoin, les mesures d'accompagnement, comme nous l'avons déjà fait".

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