Défendue par Deneuve, la galanterie à la française en débat

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Par Pascale JUILLIARD, Jessica LOPEZ - Paris (AFP)
Publié le 11 janvier 2018 - 19:07
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Catherine Deneuve au 68e festival de Cannes, à Cannes le 13 mai 2015
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© ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP/Archives
Catherine Deneuve au 68e festival de Cannes, à Cannes le 13 mai 2015
© ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP/Archives

En rompant l'unanimisme qui dominait depuis le début de l'affaire Weinstein, Catherine Deneuve et les personnalités défendant une "liberté d'importuner" ont semblé accréditer l'existence d'une "galanterie à la française" qui fait débat.

"Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n'est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste", soutient la tribune publiée mardi dans le Monde. Signée par une centaines de personnalités, elle s'inquiète d'un retour du "puritanisme".

En octobre, les révélations sur le puissant producteur hollywoodien Harvey Weinstein avaient entraîné sur les réseaux sociaux une vague de témoignages d'agressions sexistes et sexuelles, que ces personnalités qualifient de "campagne de délations".

Des propos à rebours des réactions publiques suscitées jusque-là, d'autant plus remarqués qu'ils sont signés par une actrice de renommée internationale et ont été publiés deux jours après les Golden Globes, où le milieu du cinéma américain avait fait front contre les violences sexuelles.

La France serait-elle la seule, en vertu d'une singularité culturelle, à pouvoir s'attaquer au phénomène #Metoo et #Balancetonporc ?

"La culture de la galanterie à la française existe depuis toujours", répond l'historienne du féminisme Françoise Picq, interrogée par l'AFP. "Déjà au Moyen-âge, on appelait ça l'amour courtois, tradition poétique de faire des vers pour les femmes, les mettre sur un piédestal". Pour elle, cette culture est "perverse" car elle nourrit "l'absence de révolte des femmes".

- Les "trois G" -

En octobre, l'actrice Isabelle Adjani observait qu'"en France, il y a les trois G : galanterie, grivoiserie, goujaterie. Glisser de l'une à l'autre jusqu'à la violence en prétextant le jeu de la séduction est une des armes de défense des prédateurs et des harceleurs", dénonçait-elle.

"On est un petit peu +empoisonnés+, entre guillemets, en France, par cette idée de la galanterie" qui "serait l'expression de la civilisation, de la culture française, des bons rapports qu'il y aurait dans notre pays par rapport aux autres, entre les hommes et les femmes", a estimé sur France culture l'historienne Michelle Perrot.

"C'est un mythe intéressant, brillant, mais qui recouvre au fond une domination particulière des hommes sur les femmes dans notre pays", a-t-elle ajouté.

Pour Réjane Sénac, directrice de recherches CNRS à Sciences Po, cette tribune illustre le "poids d'un héritage égalitaire ambivalent".

"Notre modèle républicain est construit sur un mythe égalitaire paradoxalement fondé sur la complémentarité entre hommes et femmes, sur le modèle papa/maman", estime l'auteure de "Les non-frères au pays de l'égalité". "C'est au nom de cela que les femmes ont longtemps été exclues du droit de vote, car elles n'étaient pas considérées comme des êtres autonomes".

Avec cette tribune "s'exprime la persistance des assignations à une complémentarité asymétrique", ajoute-t-elle. "Au XXIème siècle, la liberté, sexuelle en particulier, est à inventer au-delà de la soumission des femmes et des hommes à un prétendu désir irrépressible et naturel".

Au-delà des signataires, le texte a cependant trouvé des soutiens.

"Ce que j'ai aimé c'est que ce soit des femmes qui prennent la parole pour dire ce que les hommes ne peuvent plus dire depuis des mois. A savoir que nous ne sommes pas tous des porcs", a déclaré mercredi sur France inter l'écrivain Frédéric Beigbeder.

Si on regarde les choses positivement, "il y a une spécificité française qui est celle du débat, de la polémique, d'une certaine liberté de ton et d'expression", a estimé sur France 5 l'ancienne ministre socialiste des Droits des femmes Laurence Rossignol.

Sociologue et directrice de recherche au Cevipof, Janine Mossuz-Lavau a enquêté sur la vie amoureuse des Français. Aujourd'hui, comparé à il y a 17 ans, "on parle plus facilement des attouchements, des agressions subis. Il y a eu une prise de conscience".

Selon l'Institut national d'études démographiques (Ined), près de 3 millions de femmes de 20 à 69 ans subissent chaque année dans l'espace public une situation de drague importune, et plus d'un million des situations de harcèlement et atteintes sexuels.

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