Deux passeurs présumés devant la justice après la mort d'une migrante dans la Manche

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Par Grégory DANEL, avec Julia PAVESI à Lille - Paris (AFP)
Publié le 11 octobre 2019 - 12:43
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Photo diffusée le 18 février 2019 par la Société nationale de Sauvetage en mer de migrants à bord d'un bateau semi-rigide tentant de traverser la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne
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© Handout / SOCIETE NATIONALE DE SAUVETAGE EN MER/AFP/Archives
Migrants sur un navire pneumatique le 18 février 2019 dans la Manche
© Handout / SOCIETE NATIONALE DE SAUVETAGE EN MER/AFP/Archives

Tombée d'un bateau surchargé de migrants, elle avait péri noyée en tentant de rejoindre l'Angleterre: deux mois après la mort d'une Iranienne de 31 ans, deux passeurs présumés ont été arrêtés en France, et doivent être jugés le 18 décembre.

Selon les autorités françaises, Mitra M. a été vraisemblablement la première migrante à mourir noyée dans la Manche au cours de ces traversées clandestines de migrants vers l'Angleterre, dans le collimateur de Paris et de Londres.

Cette titulaire d'un master de psychologie avait embarqué le 9 août sur un bateau pneumatique aux côtés d'un vingtaine de migrants afghans et iraniens, dont des mineurs.

A court d'essence, sans rames, l'embarcation avait fini par être secourue par la marine britannique mais trois personnes s'étaient auparavant jetées à l'eau dans une tentative désespérée d’amarrer le bateau à une bouée.

Deux hommes avaient été repêchés vivants, mais Mitra M. était portée disparue, avant que son corps ne soit retrouvé sur une plage des Pays-Bas le 18 août.

Interviewé par la chaîne britannique Sky News, l'un de ses compagnons d'infortune a salué la mémoire d'une femme "courageuse". "Nous n'étions pas aussi courageux qu'elle. Elle l'a fait pour sauver un bébé (à bord) et, à la fin, le bébé a survécu".

Saisis par le parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), les policiers aux frontières de la brigade mobile de recherche (BMR) de Coquelles et de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), avec l'aide de leurs homologues britanniques, ont fini par remonter la piste de trois hommes qui auraient fourni le bateau.

"On a travaillé d'arrache-pied", a commenté auprès de l'AFP Xavier Delrieu, le patron de l'Ocriest.

Les policiers français ont arrêté lundi soir un Afghan et un Hollandais d'origine guinéenne alors qu'ils remontaient l'autoroute A6, venant de Dijon où ils avaient acheté un nouveau bateau.

Ils devaient être jugés vendredi par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, mais leur procès a été renvoyé au 18 décembre. D'ici là, ils ont été placés en détention provisoire.

Ils comparaîtront pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en bande organisée et homicide involontaire. Un troisième suspect afghan avait également été arrêté mais a été mis hors de cause, a précisé le parquet à l'AFP.

- Jusqu'à 3.000 euros la traversée -

Les enquêteurs français ont acquis la conviction que ces suspects avaient fait l'acquisition de six à huit bateaux pneumatiques afin d'organiser ces traversées illégales et lucratives.

Selon M. Delrieu, chaque migrant débourse entre 1.000 et 3.000 euros pour monter sur ces embarcations de fortune.

"C'est un business assez lucratif et assez rentable", déplore le policier.

Depuis la fin 2018, les tentatives de traversée se sont multipliées dans la Manche malgré le danger lié à la densité du trafic, aux forts courants et à la faible température de l'eau.

Les premières traversées en "small boat" ont été détectées en octobre 2018 avant de grimper en flèche en 2019. "On a recensé depuis le début de l'année quelque 230 tentatives et passages réussis", souligne l'Ocriest.

Depuis l'apparition de ce phénomène, les services de police ont résolu une dizaine d'affaires en démantelant des petits réseaux organisés souvent de manière artisanale avec des maîtres d'oeuvres iraniens ou kurdes irakiens.

La préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord avait comptabilisé fin août 1.473 migrants ayant tenté de rejoindre les côtes anglaises, contre 586 sur l'ensemble de l'année 2018.

Un plan d'action franco-britannique a été lancé en janvier, renforçant la surveillance côtière, en mer et à terre.

La semaine dernière, les autorités maritimes françaises ont secouru en mer une trentaine de migrants qui tentaient de rejoindre l'Angleterre à bord de deux embarcations pneumatiques.

Mitra M. n'est probablement plus la seule migrante à s'être noyée en tentant de traverser la Manche. Le 23 août, un Irakien qui avait tenté de rejoindre l'Angleterre à la nage a été retrouvé mort au large de Zeebruges (Belgique).

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