Émeutes à la mort d'Adama Traoré : son frère Bagui acquitté aux assises

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Par Alexandre MARCHAND, Léo PIERRARD - Pontoise (France) (AFP)
Publié le 09 juillet 2021 - 22:36
Mis à jour le 10 juillet 2021 - 16:56
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Marc Trévidic, président de Cour d'Assises, le 2 juillet 2015 à Paris
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© MARTIN BUREAU / AFP
Marc Trévidic, président de Cour d'Assises, le 2 juillet 2015 à Paris
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Au procès des émeutes consécutives à la mort d'Adama Traoré, la cour d'assises du Val-d'Oise a accordé vendredi un acquittement retentissant à son frère Bagui, fustigeant la tenue de l'enquête qui l'a incriminé, et a prononcé jusqu'à 12 ans de prison pour deux hommes.

Cinq personnes étaient jugées depuis le 21 juin à Pontoise pour des tirs d'armes à feu sur les forces de l'ordre à Persan et Beaumont-sur-Oise au cours de violences urbaines particulièrement intenses les nuits qui ont suivi le décès du jeune homme noir de 24 ans, le 19 juillet 2016, peu après son arrestation par les gendarmes.

Outre Bagui Traoré, son ex-compagne et un homme soupçonné d'avoir été l'un des tireurs ont été acquittés. En revanche, la cour a déclaré deux hommes coupables d'avoir été auteurs de tirs et les a condamnés respectivement à douze ans de réclusion criminelle et huit ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour tentatives de meurtre sur des gendarmes.

"La justice ne peut pas se passer de preuves, or c'est ce qu'il s'est passé dans le cas de Bagui Traoré", a déclaré le président de la cour Marc Trévidic en lisant la motivation du verdict, prononcé après une trentaine d'heures de délibération dans ce dossier "hors normes" aux 13.000 pièces cotées et 90 parties civiles.

L'ancien juge antiterroriste a eu des mots particulièrement durs pour l'enquête qui a désigné Bagui Traoré comme tireur ou donneur d'ordres lors des émeutes et a abouti, au terme de cinq ans de procédure, à son renvoi devant les assises.

"Personne, ni dans la procédure ni à l'audience, n'a indiqué l'avoir vu tirer sur des forces de l'ordre ou même s'être tenu à proximité d'un tireur. De même, personne ne l'a entendu donner des consignes ou avoir fourni une arme à feu", a détaillé M. Trévidic.

"L'enquête en était restée aux simples hypothèses et un débat sur de simples hypothèses a certainement sa place dans un bureau d'enquêteurs mais pas devant une cour d'assises", a-t-il asséné.

- L'ombre de l'affaire Adama -

À l'annonce de l'acquittement de Bagui Traoré, des applaudissements et vivats de dizaines de ses soutiens ont éclaté dans une des grandes tentes de retransmission, installées dans le hall du tribunal. Une partie des dizaines de gendarmes parties civiles étaient venus en uniforme, dans la salle, assister au prononcé du verdict.

Émue aux larmes, sa sœur Assa Traoré, devenue depuis 2016 une militante iconique de la lutte contre les violences policières, a estimé à la sortie du tribunal que "le chemin n'est pas fini", en référence à l'instruction toujours en cours à Paris sur les circonstances de la mort d'Adama.

Détenu depuis quatre ans et demi, notamment en raison d'autres condamnations, Bagui, le "jumeau" de cœur d'Adama, a toujours clamé son innocence dans cette procédure.

Mardi, après deux semaines et demie de débats denses et parfois électriques, les avocats généraux ont requis l'acquittement de l'athlétique jeune homme de 29 ans, estimant que les éléments matériels manquaient pour prouver son implication.

Au cours du procès, de nombreux gendarmes et policiers ont défilé à la barre pour raconter le chaos et la tension extrême de ces nuits d'émeutes où leur hiérarchie a refusé l'utilisation d'armes létales pour riposter aux tirs, en dépit du danger.

Dans ses plaidoiries mercredi, la défense de Bagui Traoré a pour sa part fustigé un "naufrage" de l'institution judiciaire et accusé les enquêteurs de l'avoir ciblé pour "faire diversion" à la mort de son frère Adama. Un drame dont l'ombre a hanté tout le procès.

L'affaire Adama "a pollué le débat", a regretté après le verdict Laurent-Franck Liénard, l'un des avocats des gendarmes parties civiles, jugeant qu'il avait été difficile de dissocier ce dossier emblématique de celui des tirs sur les forces de l'ordre.

"Mes clients sont des gens normaux qui ont failli mourir ce jour-là, failli prendre une balle pour rien. La famille Traoré, ils ne la connaissent pas", a-t-il poursuivi.

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