En prison, gérer le coronavirus à huis clos

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 14 mars 2020 - 16:52
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Un gardien de prison dans la maison d'arrêt pour femmes de Nantes le 14 février 2019 à Carquefou
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Un gardien de prison dans la maison d'arrêt pour femmes de Nantes le 14 février 2019 à Carquefou
© LOIC VENANCE / AFP/Archives

Les prisons françaises, qui comptent plus de 70.000 détenus pour 30.000 surveillants, viennent d'enregistrer leur premier cas de contamination au coronavirus et organisent la lutte contre la propagation dans le huis clos de la détention.

Incarcéré le 8 mars à Fresnes (Val-de-Marne), un détenu de 74 ans a été testé positif vendredi à l'hôpital de Kremlin-Bicêtre, où il avait été conduit après de premiers symptômes, a indiqué la Chancellerie.

Alors que le coronavirus progresse dans le pays, l'objectif en prison est double : "Maintenir la continuité du service public pénitentiaire" et "éviter la propagation de l'épidémie au sein de la détention, comme à l'extérieur", selon la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP).

Dans les 188 prisons françaises, le risque de contamination vient d'abord de l'extérieur : des personnels venant travailler dans les établissements (surveillants, conseillers de probation, éducateurs, etc.) et des parloirs, où les familles viennent rendre visite aux détenus.

Alors que la suppression des parloirs a entraîné des mutineries violentes en Italie, une telle mesure générale "n'est pas envisagée" en France, assure la porte-parole du ministère de la Justice, Agnès Thibault-Lecuivre, qui prévoit des décisions au cas par cas.

Ambivalence du huis clos

Pour la DAP, l'avantage du huis clos est notamment de pouvoir vite identifier d'éventuels malades et retracer leurs contacts dans un milieu où le personnel a l'habitude de gérer des maladies contagieuses, bénignes comme la gale, ou potentiellement graves comme la tuberculose.

La difficulté sera essentiellement de gérer une explosion des cas dans des prisons surpeuplées (116% de taux d'occupation en moyenne), où l'encellulement individuel reste une gageure. Des associations comme l'Observatoire international des prisons (OIP) se demandent comment la DAP "va pouvoir libérer des cellules individuelles".

Les principaux syndicats de surveillants, FO et l'Ufap-Unsa, réclament des masques "en nombre suffisant" pour le personnel, et le déplafonnement des heures supplémentaires, comme c'est déjà le cas en milieu hospitalier.

Se préparer à la crise

Dès février, la DAP a demandé aux chefs d'établissement de désigner "un référent" coronavirus, qui veille à la mise en œuvre du dispositif de limitation des risques de propagation, au renouvellement des kits d'hygiène auprès des détenus (savons, produits d'entretien...) et à l'information des visiteurs.

Est aussi demandé aux autorités judiciaires de "favoriser le recours à la visioconférence" plutôt que d'extraire les détenus devant se rendre devant un juge ou à une audience, pour limiter les risques.

Les masques sont réservés aux personnes directement en contact avec les personnes malades ou en quarantaine. Mais aussi distribués aux détenus auxiliaires en charge du nettoyage.

Le gel hydroalcoolique n'est pas autorisé pour les détenus - en raison de l'interdiction de l'alcool en prison - mais de la javel diluée est distribuée pour la désinfection des cellules.

La détection

Les consignes données au personnel sont d'abord d'identifier les personnes à risque : tous les entrants passent un examen médical et répondent à un questionnaire pour savoir s'ils viennent d'une zone à risque, ont été en contact avec des personnes touchées ou en quarantaine. Des flyers avec les consignes d'hygiène sont affichés.

Au sein des établissements ou en milieu ouvert - au 1er janvier 2020, 245.000 personnes étaient sous main de justice, dont 70.651 incarcérées -, la consigne générale est d'être attentif aux signes cliniques de la maladie.

Les cas suspects

Tout cas possible doit être signalé à l'unité sanitaire ou au 15. La personne concernée doit être immédiatement placée à l'écart, "dans une cellule individuelle, de préférence proche de l'unité sanitaire".

C'est le protocole qui a été appliqué pour le détenu de Fresnes qui présentait des "problèmes respiratoires" à son arrivée, selon Jean-Christophe Petit, secrétaire local Ufap-Unsa.

Un dispositif de suivi des surveillants ayant été en contact avec le détenu a, depuis, été mis en place à Fresnes, où une infirmière a également été récemment testée positive au coronavirus.

Comme à l'extérieur, toutes les personnes en contact avec un malade sont placées en quarantaine pour 14 jours.

Les agents ayant été en contact avec un cas suspect à l'extérieur seront soit en arrêt (décision médicale), soit absents avec une autorisation exceptionnelle, soit passeront au télétravail si leur activité le permet.

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