En Seine-Saint-Denis, la première unité de France pour collégiens autistes a réussi sa rentrée

Auteur:
 
Par Sarah BRETHES - Aulnay-sous-Bois (AFP)
Publié le 05 décembre 2019 - 11:09
Image
Le collégien autiste Mounib suit le cours de l'enseignante spécialisée Caroline Bergé, le 9 octobre 2019 à Aulnay-sous-Bois, au nord-est de Paris
Crédits
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Le collégien autiste Mounib suit le cours de l'enseignante spécialisée Caroline Bergé, le 9 octobre 2019 à Aulnay-sous-Bois, au nord-est de Paris
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Ils sont les premiers autistes de France scolarisés en collège dans un dispositif sur mesure: Mounib, Adam, Rafi, Boubacar, Sanjay et Alioune ont fait leur rentrée à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où l'équipe enseignante espère faire des émules ailleurs sur le territoire.

En rang avant le cours de sport, deux garçons "checkent" avec Léonore. "On s'amuse bien avec eux. Ils sont pas comme nous, mais je les comprends", dit l'adolescente.

Scolarisés dans une unité d'enseignement externalisée (UEE) pour les matières principales - français, math, anglais...-, Sanjay et Mounib rejoignent une classe de 6e "classique" pour les cours d'EPS et d'arts plastiques. Sur les tatamis, en récréation ou à la cantine, peu d'indices permettent de les distinguer des élèves "lambda".

L'omniprésence de leur accompagnante (AESH), Gracia Martins, en est un. A l'énoncé des consignes du prof d'EPS, Sanjay a l'air perdu. "Il suffit de lui montrer", explique-t-elle en retirant ses chaussures, avant de s'élancer à quatre pattes au milieu des enfants, suscitant un déclic chez le garçon, tout sourire.

"On a beaucoup d'a priori, on pense que ce sont des enfants soit très intelligents, soit très renfermés. Or il y en a beaucoup +au milieu+, c'est à ceux-là qu'on s'adresse. L'objectif est la socialisation et l'autonomie", résume Saïd Haddouchi, principal du collège du Parc.

"Très naïvement, on ne pensait pas que c'était une première en France. On a lancé ce projet car il répondait à un besoin. Ce n'est pas difficile à mettre en place!", insiste-t-il.

En juin dernier, le premier ministre Edouard Philippe a reconnu la "lenteur" du déploiement des UEE qui permettent aux enfants autistes, estimés à 100.000 en France, de bénéficier de l'inclusion scolaire. Il en existe aujourd'hui 137 en maternelle, 26 en élémentaire et, donc, une en collège.

Au collège du Parc, le succès de cette première UE repose en très grande partie sur les épaules de Caroline Bergé, enseignante spécialisée en charge de ces six élèves de sixième âgés de 11 à 12 ans.

- "Miracle" -

En classe, tout est extrêmement ritualisé. "Il faut toujours leur expliquer ce qu'on fait, ce qu'on va faire", explique-t-elle. L'enseignante, épaulée par l'AESH et une éducatrice, sollicite en permanence ses élèves pour maintenir le contact, parfois difficile à instaurer.

"Avant, certains ne parlaient pas, n'écrivaient pas, ils ont fait d'énormes progrès. On n'en fera pas des polytechniciens, mais quatre ou cinq pourraient accéder à un CAP, avoir un métier. J'aimerais qu'ils sachent prendre le métro, faire des courses sans se faire arnaquer, se faire à manger", énumère cette ex-prof d'histoire géo hyper-investie, qui a convaincu plusieurs enseignants de prendre ses élèves dans leurs cours.

Nicolas Roelandt a accepté tout de suite. Ce professeur d'EPS a décidé de traiter ces pré-ados particuliers "comme les autres" et, surtout, de ne pas "se fixer de barrière". "Au final, ce n'est pas compliqué, et tout le monde sort de cours très heureux. Il faut juste avoir envie", conclut-il.

Pour Caroline Bergé, cette unité d'enseignement est "une pépite d'or". "Mais une pépite c'est tout petit. Il y a trop peu d'autistes pris en charge, trop d'enfants déscolarisés, trop de mères seules à la maison avec leur enfant", déplore l'enseignante.

"Beaucoup d'enfants atteints de troubles du spectre autistique ont la capacité d'être en collège. Ils sont sociables, sont en demande, aiment ça", explique Virginie Royer, éducatrice qui suit ces élèves à l'école et en hôpital de jour. "Ca a d'autant plus de sens que ce sont des enfants qui peuvent se révéler avec l'adolescence : on en voit beaucoup sortir de l'autisme vers 15 ans".

La mère de Mounib, Sihame Khenenou, est venue d'Algérie en 2016 pour qu'il puisse être pris en charge. "Là-bas on n'acceptait pas son handicap, alors qu'il est très intelligent, qu'il dessine très bien. Il a d'ailleurs appris le français très vite", dit-elle.

Depuis qu'il va à l'école, Mounib "a changé à 100%", décrit-elle. "Avant c'était les crises, les pleurs, les bêtises. Maintenant il est calme, il dit qu'il a grandi, qu'il se sent capable. C'est un miracle."

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.