En Seine-Saint-Denis, les enfants de bidonvilles sur le chemin de l'école

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Par AFP
Publié le 10 octobre 2017 - 13:00
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Un bidonville de Stains en banlieue parisienne, en décembre 2014
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
Un bidonville de Stains en banlieue parisienne, en décembre 2014
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives

A sept ans, le fils de Daniela Marantelu commencera "demain une nouvelle vie" : une association va inscrire à l'école cet enfant rom vivant dans un bidonville de Seine-Saint-Denis. Pour garantir le droit à l'éducation, parfois méconnu ou jugé hors de portée, des associations aident les familles.

Daniela, qui a quitté l'école à 14 ans pour se marier en Roumanie, espère que l’école aidera son fils "à avoir un avenir" en France.

9.000 enfants vivent dans des bidonvilles en France, selon une estimation de l'Unicef (2015). A Stains (Seine-Saint-Denis), où ils sont une trentaine vivant avec leurs parents dans d'ex-jardins ouvriers, l'association les enfants du Canal se félicite "d'avoir réussi à créer de vraies relations de confiance avec les familles et les écoles".

"L'école ne voulait pas prendre ma fille, Andrea", raconte dans un français sommaire, Corina Kotsch, habitante de ce bidonville, alors qu'en France l'instruction est obligatoire de 6 à 16 ans. "Mais l'association est venue et la mairie a été d'accord."

Vivant sans autorisation dans une baraque d'une dizaine de mètres carrés, cette Rom de Roumanie ne disposait pas d'une adresse, ni des justificatifs de domicile classiques pour le dossier d'inscription de sa fille.

Ces papiers ne sont toutefois pas les seules preuves valables. "Nous fournissons des attestations de présence" des familles sur le territoire, explique Philémon Souchard, chargé du projet scolarisation de l'association Les enfants du Canal, lancé en septembre 2015 et financièrement soutenu par l'Etat.

Une des nombreuses nuances administratives difficiles à saisir, surtout pour des familles qui ne maîtrisent pas bien la langue. Trois ans plus tard, la petite Andrea Kotsch se vante, dans un français parfait, d'être "la préférée de la maîtresse".

Contrairement à d'autres bidonvilles évacués de la ville, les familles vivant dans les jardins de Stains bénéficient d'une certaine stabilité, favorable à la scolarisation, grâce à la mairie (PCF) qui ne voit pas les "expulsions" comme "une solution" et espère leur "réinsertion" via le développement de projets de logement, selon le directeur du cabinet, Karim Mardi.

Une fois les enfants inscrits, transformer l'école en habitude reste un enjeu de taille.

- 'D'autres priorités' -

"On a beaucoup de problèmes" à faire comprendre "l'obligation scolaire", regrette Sandrine Delafarge, directrice de l’école Joliot Curie qui peine à communiquer avec des parents "pas joignables" ou "qui ne savent pas lire".

Un élève en CM1 "n'est pas encore rentré de Roumanie. (...) L'association a écrit un courrier d'absence", raconte-t-elle.

"Mon élève en CM2 a manqué l'équivalent de six mois de cours l'an dernier", regrette pour sa part Charlotte, institutrice d'une classe d'UPE2A (où l'on enseigne le français aux enfants non francophones) à l'école Jean Moulin.

"Quand on vit dans un bidonville, pour les parents il y a d'autres priorités comme trouver à manger, avoir accès à la santé...", témoigne Anina Ciuciu, élève avocate de 27 ans et première candidate rom aux dernières sénatoriales en Seine-Saint-Denis, qui a dû fait la manche pour aider sa famille dans le besoin, avant d'être scolarisée.

"Quand j'étais à l’école, les autres enfants étaient extrêmement hostiles, c'était très difficile de se dire qu'il fallait y aller tous les jours pour subir ça", se souvient-elle.

Pour encourager l'assiduité, les membres de l'association en accompagnent certains en classe le matin, tout en veillant à "ne pas se substituer aux parents", prévient M. Souchard.

Le mercredi, des sessions d'aide aux devoirs sont organisées dans un local où sont rassemblés "les enfants des quartiers et ceux des bidonvilles alors qu'il y a déjà eu de graves tensions entre eux", souligne Tidiane Cissoko, coordinateur de projet au Secours catholique.

Tous ne répondent pas à l'appel, mais les enfants présents sont surexcités. Antonio (le prénom a été modifié), qui n'a assisté qu'une seule fois dans sa vie à une semaine de cours, a pris soin de se changer : pas question d'aller au soutien scolaire sans sa veste et un peu de parfum.

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