Les carences de l'Aide sociale à l'enfance au cœur d'une nouvelle enquête choc

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Par Jessica LOPEZ, Arnaud BOUVIER - Paris (AFP)
Publié le 17 janvier 2020 - 21:25
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L'Assemblée nationale devrait examiner dans les mois à venir une proposition de loi visant à remédier à certaines des carences dans la prise en charge des mineurs en danger (photo d'illustration)
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© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives
L'Assemblée nationale devrait examiner dans les mois à venir une proposition de loi visant à remédier à certaines des carences dans la prise en charge des mineurs en danger (photo
© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives

Un an après une enquête choc sur la prise en charge défaillante de l'Aide sociale à l'enfance, un nouveau documentaire, diffusé dimanche sur M6, vient enfoncer le clou, montrant que beaucoup reste à faire pour mieux protéger les enfants placés.

Educateurs non formés, jeunes livrés à eux-mêmes, pré-adolescentes qui se prostituent ou fuguent et que personne ne recherche... Le journaliste Jean-Charles Doria a enquêté pendant huit mois dans plusieurs foyers d'enfants placés pour ce film réalisé pour "Zone interdite".

Dans un secteur confronté à d'importantes difficultés de recrutement, les journalistes de l'équipe n'ont eu aucun mal à se faire "embaucher" comme éducateurs, même en expliquant n'avoir aucun diplôme, et sans que leur casier judiciaire ne soit vérifié.

Le plus souvent, les images ont été tournées en caméra cachée, les conseils départementaux - chargés de l'accueil de ces mineurs - ayant quasiment tous refusé la présence d'une équipe de tournage, affirme le réalisateur.

Désœuvrement d'adolescents déscolarisés et livrés à eux-mêmes dans des locaux vétustes en Seine-Saint-Denis, violences commises par des éducateurs dans un foyer en Savoie, agressions sexuelles commises par un jeune garçon sur les autres pensionnaires dans la Somme, le reportage dépeint de nombreux manquements.

A Dijon, des éducateurs non formés administrent des neuroleptiques à une adolescente de 13 ans, "ingérable" en raison de ses problèmes psychiatriques, mais non suivie par un psychiatre. Et ne réagissent pas quand les enfants dont ils ont la responsabilité fuguent, parfois pendant plusieurs jours, ou se prostituent.

Ce documentaire est diffusé un an après un précédent reportage accablant, diffusé par France 3, qui avait mis en lumière des violences insoutenables dans certains foyers d'accueil et suscité beaucoup d'émotions.

- "Ouvrir les portes" -

La nomination du secrétaire d'Etat chargé de la Protection de l'Enfance Adrien Taquet était intervenue peu de temps après, et plusieurs parlementaires s'étaient saisi du sujet.

Une stratégie gouvernementale a été présentée en octobre. Si elle comporte des mesures pour améliorer la prise en charge médicale des enfants placés dès 2020, elle a été jugée "insuffisante" par les acteurs du secteur, notamment sur la formation des professionnels au contact des enfants et le contrôle des structures.

"La situation ne s'est guère améliorée depuis", considère Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l'enfance et ancien enfant placé, jugeant les images "choquantes, révoltantes".

Pour lui, "les responsabilités sont partagées, et l'Etat, les départements et les parlementaires doivent se mettre d'urgence autour de la table pour trouver un consensus". "Combien de documentaires il va falloir encore?", se désespère ce militant.

Plus de 350.000 jeunes font l'objet d'une mesure de protection de l'enfance en France, dont la moitié sont placés dans des foyers ou auprès de familles d'accueil.

En 2018, les saisines du Défenseur des droits Jacques Toubon ont concerné en premier lieu la protection de l'Enfance.

Se disant "en colère que des départements et des associations laissent passer ça après la prise de conscience de l'an passé", le secrétaire d'Etat Adrien Taquet a plaidé auprès de l'AFP pour que les départements mettent en place "un plan de contrôles inopinés" et que soit fixé "un cadre normatif dans tous les établissements".

Le documentaire évoque un foyer du Bas-Rhin où le taux d'encadrement est plus important et où les éducateurs parviennent à tisser un lien plus personnel avec les enfants.

Lors d'une rencontre avec la presse, le président (LR) du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, a appelé à ne pas stigmatiser les départements: ce secteur "complètement démuni (...) n'arrive pas à trouver d'éducateurs spécialisés", et l'aide financière du gouvernement n'est qu'une "goutte d'eau" par rapport aux besoins.

Jugeant les images et les témoignages "bouleversants", l'Association des départements de France (ADF) a déploré "les méthodes de réalisation employées (caméra cachée notamment)", s'inscrivant en faux sur "la prétendue omerta des départements".

Il y "urgence à la transparence", a réagi le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux, invitant à "ouvrir les portes des établissements pour que de tels actes soient mis en évidence" et "pour donner à voir" ce que les professionnels "apportent au quotidien".

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