Faux sacs Hermès : d'ex-salariés regrettent leur "trahison"

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Par Anne LEC'HVIEN - Paris (AFP)
Publié le 25 juin 2020 - 23:44
Mis à jour le 26 juin 2020 - 01:06
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Détail d'une commande spéciale Hermes Horseshoe, le 7 avril 2014 à New York
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© STAN HONDA / AFP/Archives
Détail d'une commande spéciale Hermes Horseshoe, le 7 avril 2014 à New York
© STAN HONDA / AFP/Archives

"L'appât du gain m'a fait faire des bêtises": d'anciens salariés d'Hermès, jugés à Paris pour avoir fabriqué des sacs contrefaits, ont regretté jeudi avoir "trahi" l'entreprise, dans laquelle ils travaillaient depuis de longues années.

Dix personnes, dont sept anciens salariés de la maison de luxe française, comparaissent depuis mercredi, soupçonnées d'avoir fabriqué et écoulé des répliques du célèbre modèle "Birkin", objet le plus vendu et le plus rentable de la marque.

"C'est l'appât du gain, l'argent facile". A la barre, un homme secoue la tête. Salarié chez Hermès pendant 19 ans, il a reconnu avoir assemblé les pièces et fait les coutures d'"une bonne dizaine de sacs" en 2013 et 2014, en-dehors de l'atelier dans lequel il travaillait.

Au fil des questions du président du tribunal, il explique avoir été abordé, un jour, à la sortie de son travail, par un homme qui lui a proposé de réaliser des sacs contrefaits pour 2.500 euros la pièce.

Après "15 jours" de réflexion, il accepte. On lui fournit au cours des mois suivants les pièces à assembler dans un "sac en plastique", il utilise un téléphone jetable dédié pour communiquer. A l'époque, il glisse aussi des "morceaux de cuir" et des pièces de sacs Hermès dans son blouson de moto.

En tout, il a retiré environ 44.000 euros de cette manufacture illégale. "Tout ce que j'avais, je le mettais dans un coffre", assure-t-il dans la salle d'audience. "J'ai voulu faire plaisir à mes enfants, pas dans le quotidien, mais pour l'avenir", ajoute cet homme de 44 ans, debout dans une chemise parme.

"Je regrette par dessus tout, auprès du tribunal et de la société surtout", dit-il. "Hermès c'est une grande famille et j'ai trahi, je l'ai trahie".

- "Vrais faux" -

Pour la justice, l'affaire a démarré fortuitement, après la mise sur écoute de l'appartement d'un homme, alors soupçonné d'écouler en Asie des sacs volés dans des camions en France. L'enquête a ensuite mis au jour l'existence d'un "réseau" organisé, avec des rôles dévolus à chacun - en grande partie reconnus par les prévenus.

L'approvisionnement en peaux de crocodile se faisait auprès d'un fournisseur italien en Lombardie. La découpe des peaux, le piquage, l'assemblage, le "retournage", les finitions étaient ensuite réalisées par des salariés ou ex-salariés d'Hermès, les sacs s'échangeant sur des parkings et dans la rue.

Une femme était enfin chargée d'écouler ces "vrais faux" sacs, pour au moins 20.000 euros, auprès d'acheteurs à Hong-Kong. Dans les magasins officiels, le prix de vente du "Birkin" oscille entre 40.000 et 50.000 euros: dans ce dossier, les avocats d'Hermès vont demander environ 2 millions d'euros pour le préjudice commercial et moral.

La quasi-totalité des prévenus - dont un n'est pas présent à l'audience - n'a pas de casier judiciaire. Ils avaient des "situations stables", étaient "passionnés" par leur métier et pourtant, "ils franchissent le rubicon. C'est étonnant", souligne le président du tribunal Benjamin Blanchet.

L'un des organisateurs présumés du réseau, interrogé mercredi, a commencé à 18 ans chez Hermès, après un CAP maroquinerie.

Chez cet homme, aujourd'hui âgé de 45 ans, la police a notamment trouvé des dossiers de fabrication des sacs, des bobines, des peaux et 18.700 euros en liquide. Les enquêteurs ont estimé qu'il avait tiré quelque 280.000 euros de cette activité, soulignant qu'il avait un "train de vie dispendieux" - "luxueux pavillon", "véhicules hauts de gamme", "voyages".

"Pour améliorer grandement le quotidien et faire plaisir à vos enfants, vous avez accepté de tirer un trait sur votre carrière d'employé de la société, de renoncer à cette fierté d'y appartenir ?" l'interroge le président.

"Ce que je regrette énormément", acquiesce le prévenu, ému. "Sur le moment, je ne pense pas avoir vu la gravité de la chose". Répondant à la question d'un avocat d'Hermès, il confirme avoir connu Jean-Louis Dumas, ancien PDG de l'entreprise. C'était "une très belle personne", dit-il.

Le procès doit s'achever vendredi soir.

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