Gwenola Joly-Coz, la haute magistrate qui fait avancer la cause des femmes

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Par Sarah BRETHES - Pontoise (France) (AFP)
Publié le 24 septembre 2020 - 13:02
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Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de Pontoise, figure féministe de la magistrature, photographiée à Pontoise le 4 septembre 2020
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de Pontoise, figure féministe de la magistrature, photographiée à Pontoise le 4 septembre 2020
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Elle préfère le qualificatif d'"engagée" à celui de "militante". Figure féministe de la magistrature, Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de Pontoise, est pourtant de toutes les luttes. La dernière? Le bracelet électronique pour les hommes violents, qu'elle réclamait depuis des années.

Gwenola Joly-Coz a beau avoir fait de brillantes études de droit, elle passe beaucoup de temps à compter.

Les femmes dans la magistrature: 67% des effectifs. Les femmes à la tête des douze grands tribunaux du pays: "seulement" 2. Celles qui ont occupé le poste de procureur de Paris: aucune. La magistrate compte aussi les féminicides: 4 l'an dernier dans son département du Val-d'Oise, 146 en France, 25 de plus qu'en 2018.

En avril 2019, démarche inhabituelle, cette juge opiniâtre et volubile a choisi de prendre publiquement la parole avec le procureur de la République de Pontoise, Eric Corbaux, pour réclamer au gouvernement un "changement de réponse" face aux meurtres de femmes que la France "n'arrive pas à enrayer".

Tous deux plaidaient depuis des mois, sans succès, pour expérimenter ce "bracelet anti-rapprochement" qui a fait ses preuves, notamment en Espagne.

Un an plus tard, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti se déplace jeudi dans son tribunal pour lancer le dispositif.

"Notre parole a eu un poids", dit sobrement Gwenola Joly-Coz, "heureuse" mais aussi "un peu triste de ne pouvoir mener cette expérimentation". Dans une semaine, elle quittera le Val-d'Oise pour s'assoir dans le fauteuil de première présidente de la Cour d'appel de Poitiers.

Parmi les 24 candidats à ce poste prestigieux, 20 hommes, quatre femmes. "Etre nommée à seulement 52 ans, alors que tout le monde connaît mes engagements, c'est inhabituel", dit celle qui a conscience d'irriter. Pour le procureur Eric Corbaux, elle est "une figure", "une voix qui compte".

- "Viols, meurtres, incestes" -

L'origine de son engagement n'est pas idéologique mais empirique.

Juge d'instruction à seulement 24 ans, la magistrate exerce à Nantes puis à Cayenne (Guyane), où elle voit "beaucoup d'horreurs: des viols, des meurtres, des incestes". "Dossier après dossier, j'ai compris qu'il ne s'agissait pas de cas isolés mais d'un phénomène social", analyse-t-elle.

Nommée ensuite juge aux affaires familiales, elle complète ses observations en "divorçant des milliers de couples".

Fille d'un commissaire de police, Gwenola Joly-Coz a le service public chevillé au corps. Son obsession, "une justice moderne, ancrée dans la société". "La magistrature est en train de changer", affirme celle qui pilote un programme de formation continue sur les violences faites aux femmes au sein de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM).

Dans son parcours, son passage à l'Inspection générale de la magistrature, où elle scrute son propre corps, très féminisé sauf au postes hiérarchiques, est lui aussi déterminant.

Révoltée par l'"invisibilisation" des femmes dans sa profession, elle a enquêté pour exhumer l'histoire d'une inconnue, Charlotte Béquignon-Lagarde, première femme devenue magistrate en France, en 1946. Grâce à elle, et elle en est "très fière", la grande salle du nouveau Palais de justice de Paris porte son nom.

Aujourd'hui, elle poursuit ses recherches sur les pionnières de la magistrature, auxquelles elle ambitionne de consacrer un livre. "Je travaille beaucoup trop, c'est un problème", sourit-elle.

Pour promouvoir l'ascension de ses consœurs, elle a fondé en 2014 l'association "Femmes de justice", avant de devenir directrice de cabinet de Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux Droits des femmes dans le gouvernement de Manuel Valls.

Cette dernière se souvient d'une fonctionnaire "droite, curieuse, humaine et très facile d'accès". Ensemble, elles ont notamment lancé la première campagne contre le harcèlement dans les transports.

En ce début septembre, le bureau de la présidente est encombré de cartons. Après Mamoudzou (Mayotte), Thonon-les-Bains, Paris ou Pontoise, la magistrate embarque sa famille - elle est mère de trois filles, "féministes, elles sont à bonne école"- dans un nouveau déménagement.

"A chaque fois, mes filles ont dû changer d'école en cours d'année... Je me bats pour que les mutations aient lieu en septembre, car cette mobilité en milieu d'année pousse les femmes à renoncer". Raté. Cette fois, elle a été nommée au... 1er octobre.

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