Incendie de la rue Myrha : "j'ai beaucoup de colère en moi" admet l'accusé

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Par Alain JEAN-ROBERT - Paris (AFP)
Publié le 03 décembre 2020 - 21:16
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Incendie rue Myrha à Paris, le 2 septembre 2015, qui a fait huit morts
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© Norman GRANDJEAN / AFP/Archives
Incendie rue Myrha à Paris, le 2 septembre 2015, qui a fait huit morts
© Norman GRANDJEAN / AFP/Archives

"Une partie de moi a beaucoup de colère", a reconnu jeudi Thibaud Garagnon jugé devant la cour d'assises de Paris pour avoir provoqué l'incendie d'un immeuble de la rue Myrha où huit personnes, dont deux enfants, ont trouvé la mort.

Pour la première fois, l'accusé, âgé aujourd'hui de 24 ans, a pu s'exprimer sur les faits qui sont survenus le 2 septembre 2015.

Le feu qu'il reconnaît avoir mis "c'était un appel au secours", a expliqué Thibaud Garagnon qui a plus insisté, durant les près de quatre heures de son audition, sur son "mal-être" plutôt que sur le sort des victimes et la tragédie vécue par leur famille.

"J'étais pas dans mon état normal... J'étais dans un profond désarroi... J'arrivais pas à réfléchir correctement", a affirmé le jeune homme portant un t-shirt à l'effigie des Pokemon.

"Si les médecins ou les psychiatres m'avaient davantage aidé ça ne serait peut-être pas arrivé", se défend-il.

"Vous rejetez la responsabilité sur le corps médical ?", l'interroge la présidente.

"Non, non bien sûr", se reprend l'accusé en suivi psychiatrique depuis son incarcération en septembre 2016.

- "Pulsion de faire quelque chose" -

A deux reprises, aux petites heures du 2 septembre 2015, Thibaud Garagnon est sorti de son appartement du 2e étage pour aller mettre le feu à son immeuble. D'abord en incendiant sa propre boite aux lettres puis, deux heures plus tard, en mettant le feu à une des poussettes laissées dans le hall d'entrée.

"Vers 04H20, je me suis réveillé avec la pulsion de faire quelque chose", raconte d'une voix calme l'accusé. "Je suis descendu, j'ai pris un briquet et allumé le feu au-dessus d'une poussette et les choses sont parties", poursuit-il.

"Je voyais à peine une flammèche, je suis remonté me coucher", ajoute l'accusé qui reconnait avoir pris un anxiolytique et un somnifère.

En à peine une dizaine de minutes, le feu s'engouffre dans la cage d'escalier et ravage les derniers étages de l'immeuble. Deux habitants du 5e étage se défenestrent. Dans un autre appartement du 5e, quatre personnes d'origine sénégalaise dont deux enfants de 8 et 14 ans périssent dans les flammes. Le corps d'une femme habitant également le 5e étage est retrouvée dans le brasier. Le corps d'un homme git au 3e étage.

"Je pensais que le feu s'était éteint de lui-même", explique l'accusé. "Je ne réfléchissais pas à pleine capacité à ce moment là. Mon discernement était aboli".

Il réussit à quitter son appartement en se glissant le long de la gouttière.

Rapidement, un innocent est accusé à sa place et incarcéré. Thibaud Garagnon ne se dénonce pas. Au contraire, il s'auto-proclame défenseur des victimes de l'incendie.

"Je n'avais pas réellement conscience de ce que j'avais fait. Il y avait une culpabilité refoulée qui revenait constamment", se justifie-t-il.

"Je savais que (l'homme en prison) était innocent sans avoir de culpabilité moi-même", dit-il. De nouveau, il s'apitoie sur son sort en affirmant : "C'est très dur à vivre".

"J'aimerais vous entendre parler vrai", lui demande Me Laure Heinich Luijer.

"Pourquoi avoir attendu un an pour avouer ?", poursuit-elle.

"Je craignais le regard des autres, j'avais le dégoût de moi-même, j'avais peur de la détention mais ce qui me faisait le plus peur c'était le regard des autres".

"Je m'en veux énormément d'avoir vécu quand d'autres n'ont pas survécu. Je pense constamment aux victimes et au mal que j'ai fait au point de remettre en cause mon existence", insiste Thibaud Garagnon.

Les représentants des victimes sont dubitatifs.

"Voyez-vous la différence des souffrances ?", demande une avocate. L'accusé secoue la tête.

"J'ai peut-être émis des stéréotypes vers les personnes de couleur", concède-t-il quand une avocate évoque ses propos à caractère raciste.

"Vous êtes quelqu'un de très énervé avec beaucoup d'aigreur", lui fait remarquer la présidente. Le procureur se montre plus sévère: "Vous êtes en train de faire une mise en scène. Vous mentez !".

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