Islamisme radical : la droite sénatoriale vote pour changer la Constitution, contre l'avis du gouvernement

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Par Véronique MARTINACHE - Paris (AFP)
Publié le 19 octobre 2020 - 06:00
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Bruno Retailleau (LR) à la tribune avant le Congrès réuni à Versailles, le 9 juillet 2018
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© ludovic MARIN / AFP
Le sénateur LR Bruno Retailleau lors du congrès du parlement à Versailles en juillet 2018
© ludovic MARIN / AFP

Contre l'islamisme radical, le Sénat a voté lundi une proposition de loi de sa majorité de droite afin d'inscrire dans la Constitution la prééminence des règles de la République, contre l'avis du gouvernement qui juge le texte inutile.

La proposition de loi, adoptée en première lecture par 229 voix pour et 23 abstentions - sans vote contre en l'absence de la gauche - a peu de chances de poursuivre son parcours parlementaire. Pour être adoptée définitivement, il faudrait en effet qu'elle soit votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, et ensuite approuvée par référendum.

Or, trois jours après la décapitation dans les Yvelines de Samuel Paty, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a estimé que "ce texte-là, même si l'intention est plus que louable, ne pourra résoudre quoi que ce soit".

Le texte avait été inscrit à l'ordre du jour bien avant l'assassinat de ce professeur d'histoire qui avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet.

"La République est en danger, comme elle l'a rarement été" et "une fois encore, il nous faut rester unis, et déterminés", a plaidé le président du Sénat Gérard Larcher (LR), avant d'inviter à un moment de recueillement, en ouverture.

"Le moment nous oblige à travailler ensemble", a invité Eric Dupond-Moretti, qui a cependant repoussé le texte de l'ancien président de la commission des Lois Philippe Bas (LR), du patron des sénateurs de droite Bruno Retailleau et du président du groupe centriste Hervé Marseille.

Le garde des Sceaux a opposé que "la prééminence des lois de la République, qui peut-être contre ? (...) Cette évidence ne touchera jamais les forces haineuses de l'obscurantisme, et la forme moderne qu'il prend aujourd'hui avec le visage de l'islamisme".

Mais il n'est "pas convaincu par la justesse, la rigueur juridique et l'utilité de la proposition" sénatoriale, qui pourrait même remettre en cause le régime concordataire d'Alsace-Moselle ou des dérogations alimentaires pour les juifs ou musulmans.

Le premier article entend consacrer, à l'article 1er de la Constitution, le principe selon lequel "nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer de la règle commune".

Le second article fait obligation aux partis politiques de respecter le principe de laïcité, au même titre que les principes de souveraineté nationale et de démocratie, avec l'objectif d'exclure les partis communautaristes des financements publics prévus pour les candidats aux élections.

- "Affichage" -

Selon Philippe Bas, "la République est minée par le poison toxique de l'islamisme radical" et "un coup d'arrêt doit être donné aux pratiques qui se sont répandues insidieusement dans tous les domaines de la vie sociale".

Aux yeux de M. Retailleau, "nous sommes en train de perdre la guerre contre l'islamisme radical parce que nous ne croyons pas suffisamment en nos valeurs".

Si tous les groupes politiques ont reconnu que la République doit "se défendre contre les fanatiques", selon les mots de l'écologiste Esther Benbassa, la gauche n'approuve pas la proposition de loi.

"Ce qui manque, ce ne sont pas de nouvelles règles, elles existent déjà, c'est parfois le courage politique de les faire appliquer", a estimé le chef de file des sénateurs PS Patrick Kanner, critiquant un "affichage" de la droite.

Pour la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi, qui n'a pas pris part avec d'autres au vote, le débat aurait dû être "reporté" compte tenu de "l'émotion" suscitée par l'assassinat de Samuel Paty.

Stéphane Ravier (RN) a lui été menaçant: "si demain encore les lois de la République n'étaient toujours pas prééminentes dans les faits (...) la prochaine cible des islamistes pourrait très bien être assise là, parmi nous". "Votre fonds de commerce est définitivement la haine, la peur", a rétorqué Eric Dupond-Moretti.

Le gouvernement planche lui-même sur un projet de loi contre les séparatismes, qui pourrait être renforcé après l'assassinat de l'enseignant. Emmanuel Macron a prévu d'y inscrire l'obligation de l'enseignement à l'école dès 3 ans, la neutralité des services publics, un contrôle renforcé des associations et encore l'organisation des cultes sous "l'esprit initial" de la loi de 1905.

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