L'armée française déploie ses drones armés au Sahel face aux jihadistes

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Par Daphné BENOIT - Niamey (AFP)
Publié le 19 décembre 2019 - 19:11
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Drone sahel
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Un drone Reaper de l'armée française, équipé de deux bombes GBU-12 de 250 kg, sur la base aérienne de Niamey, au Niger, le 15 décembre 2019.
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Un outil de plus dans la panoplie, sans changement de doctrine: la France dispose désormais de drones armés pour traquer les jihadistes au Sahel, au terme d'une série d'expérimentations menées depuis la base aérienne de Niamey.

L'armée française a annoncé jeudi avoir achevé de tester l'armement de ces appareils pilotés à distance par des aviateurs, que l'AFP a rencontrés sur place dimanche.

Chargés depuis 2014 d'observer les groupes armés au Sahel et de collecter du renseignement, les trois drones américains Reaper actuellement déployés dans le cadre de l'opération française Barkhane peuvent désormais faire feu sur des ennemis identifiés au sol, à l'instar des avions de combat qui sillonnent l'immense zone désertique.

Un nouvel atout, alors que la situation ne cesse de se dégrader au Sahel, en particulier dans la zone dite des "trois frontières" entre Mali, Niger et Burkina Faso. En dépit de la mobilisation des 4.500 militaires français de Barkhane.

Paris rejoint ainsi le club restreint des pays utilisant des drones armés, parmi lesquels les Etats-Unis, le Royaume-Uni et Israël.

"L'intérêt, c'est que quand vous êtes en train de surveiller une zone, si vous identifiez des ennemis et qu'il y a un besoin urgent de traiter cette cible, le drone armé va pouvoir le faire", expliquait dimanche à l'AFP à Niamey le chef d'état-major de l'armée de l'Air, le général Philippe Lavigne.

Derrière lui, sur le tarmac chauffé à blanc, un drone français s'apprête pour la première fois à voler équipé de deux bombes GBU 12 à guidage laser de 250 kg, pour un tir de validation.

"Discrétion et endurance" -

"Laser, gouvernes, tout est branché, sécurité enlevée. Bon vol!": l'armurier effectue un dernier contrôle de l'appareil de 20 mètres d'envergure avec un pilote français, qui rejoint ensuite son "cockpit", petite cabine beige constellée d'écrans et plongée dans la pénombre d'où il déclenchera le tir.

"Avant, nous étions un oeil pour dire où était la menace. Avec l'armement on va pouvoir agir, pour aider des troupes au sol à se désengager par exemple", fait valoir le capitaine Nicolas (son nom reste confidentiel pour des raisons de sécurité), pilote de chasse membre de l'escadron de drones 1/33 "Belfort".

"Le drone ne remplace en aucun cas un avion de chasse et sa réactivité, mais il a l'avantage de la discrétion et de l'endurance" avec une autonomie de vol de 20h, à une altitude comprise entre 7.000 et 13.000 mètres d'altitude, détaille-t-il.

L'armée française recevra l'an prochain six Reaper supplémentaires, équipés de missiles américains Hellfire guidés par GPS. Le parc de drones doit monter à 12 en 2025, puis 24 en 2030.

Leur usage sera strictement encadré par la France, insistent les autorités. Le sujet est sensible: l'intense campagne d'"assassinats ciblés" menée par les Etats-Unis à l'aide de drones en Afghanistan, au Pakistan ou au Yémen, a été régulièrement accusée de bafouer l'éthique et de "déshumaniser" la guerre.

"Il s'agit d'une nouvelle capacité, pas d'un changement de doctrine. Les règles d'engagement des drones armés sont exactement les mêmes que celles des avions de chasse", pour les équipages - un pilote, un opérateur capteur, un interprète d'images et un officier de renseignement -, a insisté jeudi la ministre des Armées Florence Parly.

"L'homme est toujours dans la boucle: c'est l'homme qui décide d'utiliser cette capacité ou non", fait valoir le général Lavigne.

- Vision "comme dans une paille" -

Lors de l'entrée en service des drones armés dans la Royal Air Force, "l'opinion publique était réticente", a souligné le chef d'état-major de l'armée de l'Air britannique, Mike Wigston, dont le pays dispose de neuf Reaper armés.

"Le drone est un moyen plus sûr et plus efficace de cibler des terroristes qu'un avion de chasse", a jugé ce vétéran d'Irak et d'Afghanistan, en visite à Niamey avec son homologue français.

"Les équipages de drones peuvent garder un oeil très longtemps sur la cible" pour l'identifier, "ils ne sont pas assis dans un cockpit étroit dans les airs à craindre de manquer de carburant", réduisant ainsi le risque de dommage collatéral.

Mais certains militaires français semblent encore éprouver quelques réserves.

"Des frappes inappropriées, c'est 50 recrues de plus" pour les groupes armés, avertit un haut gradé de Barkhane en appelant au discernement dans l'usage de cet outil, pour "vaincre sans perdre notre âme".

Alors que la dégradation sécuritaire s'accélère au Sahel, les drones armés n'offriront pas de solution miracle, prévient un autre officier. "Il est impossible de tout surveiller dans cette zone vaste comme l'Europe. Dans un drone, on voit comme dans une paille. S'il se passe quelque chose à 20km de l'endroit surveillé, on le rate".

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