Les avocats et la "défense d'urgence" au temps du coronavirus

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Par Sofia BOUDERBALA, Caroline TAIX et Benjamin LEGENDRE - Paris (AFP)
Publié le 17 mars 2020 - 12:04
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Faut-il encore enfermer les gens? Les droits de la défense seront-ils respectés au temps du coronavirus? Les avocats, qui doivent comme les magistrats continuer à gérer les "contentieux essentiels", s
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© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP/Archives
Faut-il encore enfermer les gens? Les droits de la défense seront-ils respectés au temps du coronavirus? Les avocats, qui doivent comme les magistrats continuer à gérer les "conten
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Faut-il encore enfermer les gens? Les droits de la défense seront-ils respectés au temps du coronavirus? Les avocats, qui doivent comme les magistrats continuer à gérer les "contentieux essentiels", s'organisent "dans l'urgence" et encore "dans le flou".

Avant même que la France soit contrainte au confinement, la garde des Sceaux Nicole Belloubet avait annoncé dimanche une réduction drastique de l'activité des juridictions françaises, qui ne traitent pratiquement plus que des contentieux où la liberté d'une personne est en jeu.

Face à cette situation inédite, le barreau de Paris a décidé de "maintenir dans l'immédiat" les "permanences de défense d'urgence": pour les garde à vue, les comparutions immédiates, les audiences devant le juge des libertés et de la détention (JLD), les permanences pour les mineurs ou les étrangers.

Partout, les procès sont renvoyés, pour la plupart au mois de juin. Palais et tribunaux bouclés, "l'angoisse" reste la détention: 70.000 détenus dans des prisons souvent surpeuplées.

Sans attendre, l'avocate Margaux Durand Poincloux a déposé lundi matin cinq demandes de mise en liberté (DML) au tribunal judiciaire de Paris pour des clients "qui ont une adresse en France".

"On sait que certains risquent leur vie. A la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, ils sont trois par cellule. Il y a deux douches par étage, qu'ils partagent. On sait bien que les agents pénitentiaires ne vont pas désinfecter les douches après chaque passage!", explique-t-elle à l'AFP.

"Morte de trouille" pour ses clients, elle souligne qu'"en Ile-de-France il y a un risque de contamination extrêmement important" et craint "une hécatombe". Et observe que Fresnes, premier établissement touché avec un détenu et deux infirmières contaminés au Covid-19, est "le seul centre hospitalier complet (en détention) en Ile-de-France".

Dès lundi après-midi, une telle démarche relevait déjà du parcours du combattant: greffes fermés, fax embouteillés.

- "Ouragan" -

"On essaie de voir si on peut exceptionnellement déposer des DML par mail. Même les courriers recommandés, ça devient compliqué, la Poste est fermée", relate Safya Akorri, qui juge "délirant d'envisager de garder autant de gens dans des endroits confinés".

Pour son confrère Philippe Ohayon, le plus dur en détention "c'est de ne pas avoir de nouvelles de sa famille ou d'avoir un parent mourant dont on ne peut tenir la main. C'est un ouragan qui va arriver et pour les anciens, ça va être terrible".

"Personne n'est là pour profiter du virus pour sortir de prison", affirme-t-il, appelant les magistrats à "s'interroger sérieusement et ne pas attendre les DML pour faire sortir les gens".

Pénaliste parisienne, Sophie Rey-Gascon vient de fermer son cabinet, emportant "un maximum de dossiers".

"A part quelques directives générales, on est dans le grand flou, dit-elle. Les comparutions immédiates peuvent être reportées, mais maximum d'un mois: on sera encore en pleine crise sanitaire. Il faudra une audience pour éventuellement reporter à nouveau. Le risque est un renvoi avec placement en détention: ce qui serait difficilement acceptable dans ce contexte".

De son côté, Antoine Van Rie s'apprête à vivre une drôle de journée dans les commissariats parisiens: d'astreinte ce mardi, il peut être appelé à tout moment pour assister une personne placée en garde à vue.

"Nous avons une mission de service public, je n'imagine pas ne pas aller en +GAV+", dit-il, sans trop savoir "comment vont être respectés les gestes barrière".

"Personne ne nous oblige à y aller. Mais, après 60 jours de grève (contre la réforme des retraites) et 2.900 euros de revenus en moins, c'est compliqué de ne pas y aller", explique-t-il.

Pensant à ses clients "dehors", Safya Akorri a décidé de "demander la suspension de tous les contrôles judiciaires qui impliquent des pointages au commissariat": "c'est absurde, on ne va pas envoyer les gens dans ces lieux confinés pour ça".

Tous pensent et espèrent, à la lecture de la circulaire de dimanche, qu'arrestations et déferrements vont ralentir: le texte appelle à "limiter les interpellations" aux procédures urgentes ou graves et "limiter les déferrements aux faits pour lesquels une mesure de sûreté apparaît indispensable": en clair, plus d'arrestation pour une simple bagarre ou la détention d'une barrette de cannabis.

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