Les implants mammaires texturés au banc des accusés

Auteur:
 
Par Amélie BAUBEAU - Paris (AFP)
Publié le 07 février 2019 - 17:55
Image
Des implants mammaires
Crédits
© MIGUEL MEDINA / AFP/Archives
Des implants mammaires
© MIGUEL MEDINA / AFP/Archives

Faut-il interdire le type d'implants mammaires le plus utilisé en France, soupçonné de favoriser une forme rare de cancer? Un groupe d'expertes se penche sur cette question lourde de conséquences pour le secteur, au moment où plusieurs plaintes sont déposées contre X.

Associations de patientes, chirurgiens esthétiques, représentants des fabricants de prothèses et d'autorités sanitaires étrangères se succéderont jusqu'à vendredi midi devant ce comité, mis en place par l'Agence du médicament (ANSM) pour faire le point sur la dangerosité des implants mammaires dits "texturés".

Depuis 2011, cinquante six cas de lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC) ont été recensés chez des femmes porteuses d'implants mammaires. Trois en sont décédées.

Par rapport aux 500.000 femmes porteuses d'implants en France, cette maladie "reste extrêmement rare mais compte tenu de l'augmentation du nombre de cas, nous avons décidé de réunir toutes les parties prenantes pour faire un état des lieux", a expliqué Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM, en ouverture des auditions.

La quasi totalité des patientes touchées par ce lymphome rare et agressif étaient porteuses d'implants "à surface d'enveloppe texturée" (c'est-à-dire que la pellicule entourant le silicone est rugueuse, par opposition aux implants à enveloppe lisse ou en polyuréthane).

Ces implants sont privilégiés en France (83% du marché) car présentés comme entraînant moins de risque de déplacement ou de rétractation des tissus autour de la prothèse (coque).

De ce fait, ils "réduisent le besoin de reprises chirurgicales et les risques associés", a fait valoir devant le comité la représentante du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem).

Mais cette rugosité pourrait aussi favoriser l'apparition des lésions cancéreuses.

"On peut penser que (dans) ce lymphome (...) interviennent des phénomènes d'inflammation chronique", du fait des frottements de la prothèse "au contact des tissus de la patiente", a ainsi expliqué le Pr Philippe Gaulard, coordinateur du réseau Lymphopath, des pathologistes experts qui confirment les diagnostics de lymphomes.

Une dizaine de femmes porteuses de ce type de prothèses ont témoigné de leur parcours, souvent marqué par de nombreuses ré-opérations. Si toutes ne sont pas favorables à une interdiction, elles ont réclamé une meilleure information des risques lors de la pose, la constitution d'un fichier central pour suivre toutes les prothèses implantées ainsi que le financement d'études pour comprendre la survenue de cette maladie.

Le comité, présidé par Muriel Salle, historienne, se prononcera d'ici quelques jours, en indiquant notamment s'il y a des situations dans lesquelles les implants texturés restent indispensables.

"On va s'attacher à construire une décision collective, qui va être assez complexe", a déclaré la spécialiste de la santé des femmes, en conclusion de la première journée d'auditions.

- "Réduire les risques" -

L'ANSM tranchera ensuite l'avenir de ces prothèses - interdiction, restriction à certaines indications ou renforcement de l'information sur les risques - dans les prochaines semaines.

"Notre objectif, c'est de réduire les risques autant que possible, et peut-être d'aller au-delà, ça dépendra du contenu de cette réunion", a souligné Thierry Thomas, directeur adjoint chargé des dispositifs médicaux à l'ANSM devant le comité, qui réunit des médecins, une psychologue, une responsable d'association de femmes atteintes de cancer du sein et l'auteure d'un blog de victimes des prothèses PIP.

Par précaution, l'ANSM avait recommandé fin novembre aux professionnels d'utiliser de préférence des implants à enveloppe lisse.

Une initiative contestée jeudi par le fabricant allemand Polytech, qui estime que cela "doublera le risque de ré-opération" et appelle à laisser les médecins choisir les prothèses offrant "le meilleur résultat chirurgical".

Les chirurgiens esthétiques plaideront leur cause vendredi matin.

Mercredi et jeudi, trois femmes portant des implants du fabricant américain Allergan, l'un des principaux acteurs de ce segment de marché, ont déposé plainte contre X, à Paris et Marseille, pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui". Leurs avocats font notamment valoir que "dès 2015, il y a eu des doutes sérieux sur ces implants".

Cette année-là, un groupe d'experts réunis par l'Institut national du cancer (INCa) avait conclu qu'il existait "un lien clairement établi" entre la survenue de LAGC et le port d'un implant mammaire, tout en pointant des "données disponibles limitées".

Allergan, qui défend le profil de "bénéfice-risque" de ses implants mammaires texturés, a perdu en décembre le marquage CE pour ces produits, l'obligeant à cesser leur commercialisation, parce qu'il n'avait pas pu présenter des données additionnelles demandées dans les délais impartis.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.