Des milliers de policiers à Paris pour une "marche de la colère"

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Par Gregory DANEL - Paris (AFP)
Publié le 02 octobre 2019 - 06:01
Mis à jour le 03 octobre 2019 - 01:02
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Des "policiers en colère" tiennent le drapeau français et posent près d'un cercueil représentant les fonctionnaires de police décédés, Esplanade du Trocadéro à Paris, 12 mars 2019
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
Des "policiers en colère" tiennent le drapeau français et posent près d'un cercueil représentant les fonctionnaires de police décédés, Esplanade du Trocadéro à Paris, 12 mars 2019
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

Une mobilisation inédite depuis près de 20 ans : à l'appel d'une large intersyndicale, des milliers de policiers ont défilé mercredi à Paris pour une "marche de la colère" sur fond de malaise de l'institution, de hausse des suicides et de réforme des retraites.

Le cortège, parti de Bastille aux alentours de 13H30, a rejoint la place de République aux sons des pétards et des sirènes entrecoupés de "Marseillaise". La démonstration de force des syndicats a réuni 27.000 personnes, selon les organisateurs, soit près de 18% des quelque 150.000 fonctionnaires que compte la Police nationale.

"La manifestation est un succès et un signal fort de la profession. C'est un avertissement sévère au gouvernement et à la présidence. On attend maintenant des réponses et des actes concrets", a déclaré Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance, qui marchait en tête du cortège aux côtés de ses homologues des autres organisations, une image d'unité rare dans un univers syndical marqué par les rivalités.

"Il faut redonner du sens au métier de policier. 52 suicides depuis le début de l'année, c'est dramatique et ça montre tout le malaise dans la profession. Il y en marre de la stigmatisation des policiers", a dit Philippe Capon, secrétaire général d'UNSA police.

De mémoire de syndicalistes policiers, on n'avait pas vu un tel appel unitaire, gardiens de la paix, officiers et commissaires, depuis 2001. A l'époque, la mobilisation avait été provoquée par le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un braqueur récidiviste.

Cette fois, pas d'élément déclencheur, mais une usure opérationnelle liée au mouvement social des "gilets jaunes", où la police a été accusée de violences, et un bond des suicides au sein de la police nationale.

"Nous sommes venus ici pour nous battre pour nos conditions de travail, et surtout pour rendre hommage à nos collègues qui ont mis fin à leurs jours", déclare Damien, 24 ans, policier à la Brigade des réseaux transiliens, à Paris.

"Nous sommes là car c'est un ras-le bol", explique Yves, 54 ans, policier à Montpellier. "On remet en cause la réforme des retraites, les politiques, les médias, le traitement des affaires. Pour nous il n'y a jamais de présomption d'innocence".

Quelques "gilets jaunes", dont Eric Drouet, étaient venus faire "acte de présence" non loin de la place de la Bastille, très encadrés par des gendarmes mobiles pour éviter tout incident avec les manifestants.

"On est venu rappeler qu'il y a aussi eu des violences policières depuis dix mois", a déclaré cette figure du mouvement social né en novembre 2018.

- "Remise à niveau" -

Cinq points sont au cœur des revendications : la qualité de vie au travail, une véritable politique sociale pour les agents du ministère de l'Intérieur, une réponse pénale "réelle, efficace et dissuasive", la future loi d'orientation et de programmation et les retraites.

Les syndicats policiers craignent ainsi une remise en cause de leur avantageux système de bonifications.

Actuellement les policiers bénéficient d'une bonification spéciale dite "du cinquième" ou "quinquennale", qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. Elle est plafonnée à cinq annuités et, pour y être éligible, le fonctionnaire doit avoir exercé 27 ans.

Les propos du ministre de l'Intérieur n'ont pas dissipé les inquiétudes.

"Il y aura une modification de leur régime comme pour tous les Français mais il y aura la prise en compte de la dangerosité de leur métier de policier", a affirmé Christophe Castaner mercredi sur France 2.

"Il faut faire la différence entre ceux qui sont dans un métier dangereux et l'ensemble des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur qui ne sont pas confrontés aux mêmes réalités", a aussi déclaré le ministre.

"Ca ne nous rassure pas", a réagi Yves Lefèbvre, secrétaire général d'Unité SGP. "Il faut qu'il joue cartes sur table. Il doit vouloir ce que nous voulons : la défense du régime particulier des policiers".

Face à cette nouvelle fronde, le ministère de l'Intérieur met en avant les efforts budgétaires depuis l'arrivée du duo Castaner/Nuñez en octobre 2018.

"La police souffre d'un abandon budgétaire depuis de très longues années", a affirmé le ministre mercredi, devant le Sénat, en rappelant les 13.500 suppressions de postes sous le quinquennat Sarkozy.

Mettant en avant la promesse des 10.000 créations chez les forces de l'ordre d'ici 2022, il a aussi souligné l'augmentation du budget de la Police depuis le début du quinquennat, d'un milliard d'euros.

Des discussions autour d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure doivent être lancées mi-octobre, prélude à une loi d'orientation et de programmation prévue en 2020.

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