"Maman, c'est la guerre ?" : expliquer sans inquiéter, la gageure des parents face à l'épidémie

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Par Julie CHARPENTRAT - Paris (AFP)
Publié le 18 mars 2020 - 14:30
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Des enfants devant l'allocution télévisée du président Emmanuel Macron le 16 mars 2020, à Rennes
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© Damien Meyer / AFP
Des enfants devant l'allocution télévisée du président Emmanuel Macron le 16 mars 2020, à Rennes
© Damien Meyer / AFP

"Maman, pourquoi il n'arrête pas de dire que c'est la guerre ?", demande Chloé, 6 ans, pendant l'allocution d'Emmanuel Macron. Expliquer sans inquiéter ses enfants, rassurer sans mentir, un équilibre délicat pour les parents à l'heure du confinement pour cause de coronavirus.

Colette, bientôt 8 ans, "n'aime pas que les choses ne soient pas comme d'habitude. C'est énervant de pas aller à l'école, de pas sortir, voir les copines". Et puis elle a "entendu que des gens sont morts" et ça l'a "inquiétée", poursuit la fillette, qui est allée "demander à papa et maman".

"J'ai compris que c'est pas grave pour les enfants mais qu'il faut rester à la maison pour protéger les autres", ajoute Colette.

"Quand Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des écoles, elle a pleuré, ça a été un choc. Elle a peu verbalisé au départ puis nous a posé des questions, alors on lui a expliqué la situation", raconte son père, Vincent Sicre, enseignant à Toulouse.

Le psychologue Yann Leroux abonde: "Prenez le temps de discuter avec votre enfant de la situation. Comment voit-il les choses ? Est-il confiant ? Anxieux ? Excité ? Ne jugez pas son point de vue, quel qu'il soit. L'important est que votre enfant partage son expérience", écrit-il sur Twitter, notant que l'épidémie peut "augmenter l'anxiété chez les enfants".

- La connaissance comme antidote -

"Toute modification d'un mode de vie et de socialisation qui se fait sans préparation, sans progression, sans anticipation est facteur d'angoisse pour les enfants quel que soit leur âge", pense aussi la psychologue pour enfants Sylviane Giampino, vice-présidente du Haut Conseil de la Famille.

Yann Leroux conseille justement de "garder les routines" comme les heures de lever et de coucher, car "les enfants ont besoin d'ordre pour grandir".

Et les spécialistes sont unanimes: il faut répondre aux questions des enfants, même très directes (sur la mort par exemple), même techniques ou très précises.

D'ailleurs, M. Leroux note que "la connaissance est un très bon antidote à l'anxiété". Etudier ensemble comment fonctionne un virus permet "de transformer une situation inconfortable ou anxiogène en connaissances".

Pour les plus petits, "avant 5 ou 6 ans, ils ont besoin qu'on leur raconte une histoire, qui soit à leur dimension, où on leur fait comprendre que la situation est sérieuse", conseille Mme Giampino. Qu'on leur explique "qu'il n'y a pas de danger aujourd'hui tout de suite, ni pour eux ni pour les gens qui les aiment. Mais qu'il ne faut pas que tout le monde tombe malade pour que les docteurs puissent soigner tout le monde".

"On peut employer le terme de +guerre+ mais en leur expliquant que c'est contre un virus et qu'il faut se battre tous ensemble", dit aussi Serge Hefez, responsable de l'unité de thérapie familiale du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à la Pitié-Salpêtrière à Paris.

"En expliquant aux enfants qu'en restant à la maison, ils protègent les autres, on les investit d'un rôle, d'une mission", ajoute-t-il. Il préconise lui aussi de parler au maximum. "On ne peut pas les protéger de tout, de toute façons, ils entendent tout, ils perçoivent notre anxiété."

- Digérer les infos -

"Il faut leur dire que l'on sait qu'on leur demande des efforts, que cela va leur sembler long mais que cela est provisoire, qu'il y aura une fin" à la situation, dit encore Mme Giampino.

Avec cette situation inédite et des familles confinées, les parents peuvent perdre leur "fonction de sas" entre l'extérieur et leurs enfants, prévient-elle, préconisant de prendre le temps de digérer les informations qu'ils reçoivent avant de les faire partager aux enfants.

S'il faut parfois rassurer les plus petits, pour les ados, ce peut être l'inverse : il faut leur faire comprendre que la situation est sérieuse et qu'il va falloir se plier aux règles et cohabiter avec les parents, soit très exactement ce que la plupart des ados détestent.

Johana Laborde, une cadre parisienne, a dû mettre les choses au clair avec sa fille de 13 ans, qui demandait à aller voir ses copines: "On ne veut pas être anxiogène, et en même temps, il faut qu'ils prennent la mesure des choses, c'est vraiment compliqué".

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