A Mayotte le confinement perdure, mais reste difficile à respecter

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Par Faïd SOUHAILI, avec Cécile AZZARO à PARIS - Mamoudzou (AFP)
Publié le 12 mai 2020 - 14:16
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Le bidonville de Karidjavendza à Kahani, sur l'île de Mayotte, dans l'océan Indien, le 1er avril 2020 lors du confinement
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© Faid SOUHAILI / AFP/Archives
Le bidonville de Karidjavendza à Kahani, sur l'île de Mayotte, dans l'océan Indien, le 1er avril 2020 lors du confinement
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Des rassemblements divers et dans les bidonvilles, des gestes barrière compliqués: à Mayotte, qui connaît une circulation active du coronavirus, le confinement est maintenu mais "il y a beaucoup de monde dehors", remarquent les Mahorais, espérant toutefois une maîtrise de l'épidémie.

Avec 1.061 cas et 12 décès liés au Covid-19 selon le bilan de lundi, Mayotte est classée "rouge", et "la prolongation du confinement est nécessaire", a défendu le préfet Jean-François Colombet, appelant la population à faire "encore un effort", alors que le reste de la France se déconfine.

"Tant mieux si le confinement est prolongé, j’espère que cela va permettre de contenir la propagation du virus", dit à l'AFP Sulimen Attoumani, commerçant d'alimentation pour les grands mariages, à Sada. Mais "sur le plan professionnel, tout est foutu ! Il n’y aura pas de mariages en 2020, les gens ont annulé leurs commandes", se lamente-t-il, en.

Pour l'instant, l'épidémie continue. "Tous les deux ou trois jours, il y a un doublement du nombre de cas", selon la directrice de l'Agence régionale de Santé Dominique Voynet, qui table sur un pic de "entre le 20 et le 30 mai".

Or l'heure est déjà au déconfinement "de fait" dans l'île, surtout depuis le ramadan, regrette Mme Voynet, évoquant des rassemblements dans des mosquées, des attroupements lors d'obsèques, ou des murengués, ces rassemblements de boxe traditionnelle mahoraise, qui provoquent des échauffourées avec les forces de l'ordre.

Selon la directrice de l'ARS, certains n'ont pas pris conscience de la dangerosité du virus, et d'autres, souvent non francophones, manquent d'informations - "certains croient que c'est le moustique qui donne le covid"-, ou encore ont peur d'être stigmatisés s'ils portent un masque.

Résultat: du monde dans les rues, une forte circulation, et des commerces non essentiels ouverts.

"Il y a trop de monde dehors, il y a des gens qui jouent au foot, d’autres qui font des murengués et personne ne fait rien", confirme El Harissou Allaoui, gérant d’une entreprise d’entretien d'espaces verts à Mamoudzou.

- surpopulation -

Il met en cause notamment "la distribution de bons alimentaires", pour les familles les plus démunies. "Ça attire trop de gens dans les magasins. Il aurait plutôt fallu livrer des colis alimentaires à domicile", juge-t-il.

82% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté et une partie dépend de l'économie informelle (vente à la sauvette, etc.) pour subsister. Pour les aider, 1,3 million d'euros en bons alimentaires ont été distribués, ainsi que des paniers-repas pour les enfants qui ne peuvent plus déjeuner à la cantine.

Mais quand une partie de la population loge dans des cases en tôle où il peut faire 40°C, dans des bidonvilles sans eau courante, difficile de respecter le confinement et les gestes barrières, soulignent les associations qui leurs viennent en aide.

Une situation économique et sociale lourde, parfois propice au déclenchement de troubles, constatent les autorités. Malgré le confinement et le couvre-feu, des incidents, agressions, cambriolages sont régulièrement dénoncés.

Safina Soula, présidente du Collectif des citoyens de Mayotte - issu du mouvement social de 2018 contre la violence et l'immigration clandestine -, pointe pour sa part "la surpopulation", liée selon elle à "l'immigration venue des îles voisines". "On nous dit que les Mahorais ne respectent pas le confinement. C’est faux, ce sont ces populations-là qui vivent dans des bidonvilles qui ne le respectent pas", affirme-t-elle. Mayotte compte officiellement 270.000 habitants.

"Le confinement, c’est l'affaire de tous. On a tous été mauvais, (...), l'État, les mairies, le département, les habitants", rétorque Issa Issa Abdou, 4e vice-président du conseil départemental de Mayotte. "L'économie est à terre, le personnel de l’hôpital est à bout, la cohésion sociale est mise à mal, chacun doit faire un effort pour que l’on sorte de cette situation".

Lundi, 450.000 masques en tissu ont commencé à être distribués à la population. Un point de situation est prévu jeudi pour envisager un éventuel début de déconfinement la semaine prochaine.

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