Noyade à Saint-Cyr : une "relaxe générale" plaidée par la défense

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Par Antoine AGASSE - Rennes (AFP)
Publié le 27 novembre 2020 - 16:22
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© Sebastien SALOM-GOMIS / AFP
L'acteur Rachid Hami s'adresse, le 27 novembre 2020 à Rennes, à l'avocat de son frère Jallal, mort noyé lors d'un exercice à l'école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.
© Sebastien SALOM-GOMIS / AFP

Plusieurs avocats des sept militaires jugés à Rennes pour la noyade en 2012 d'un élève officier à l'école de Saint-Cyr Coëtquidan ont plaidé vendredi la relaxe, une perspective que le président du tribunal a semblé dessiner pour certains d'entre eux.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 14 janvier.

"Pour moi, il n'y a pas de coupable. Et je sais que je suis loin d'être le seul à partager cet avis dans cette salle", a lancé Anne-Guillaume Serre, avocat d'Hugues Delvolve, poursuivi pour homicide volontaire comme six autres militaires devant le tribunal correctionnel de Rennes.

D'après l'avocat, lui-même officier de cavalerie, c'est "un tragique concours de circonstances" qui "a conduit au drame". "Cela aurait pu avoir lieu en 2008, 2009 ou 2010, ça a été en 2012", a-t-il affirmé.

Ce sont "les petits hasards de l'existence qui font les grands désastres", a appuyé Me William Pineau, avocat du général Francis Chanson.

Jeune étudiant brillant, très sportif, le sous-lieutenant Jallal Hami, 24 ans, s'était noyé dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012 durant une activité de "transmission des traditions", une sorte de bizutage qui ne dit pas son nom.

Sur le thème du débarquement des Alliés en Provence, les nouveaux élèves devaient traverser un étang à la nage, de nuit, sur une distance de 43 mètres, avec casques et rangers, dans une eau à 9°C. Se jetant à l'eau tous en même temps, au son de la Walkyrie de Wagner, de nombreux élèves s'étaient retrouvés en difficulté, buvant la tasse, s'agrippant les uns aux autres dans un embouteillage de nageurs.

Jeudi, le procureur de Rennes Philippe Astruc avait requis six condamnations, à des peines allant de trois mois à deux ans avec sursis, et une relaxe, celle du général Francis Chanson, à l'époque chargé de la formation de l'école.

Quand le temps des plaidoiries est venu, la proportion s'est inversée: six avocats ont plaidé la relaxe; un seul, Me Thierry Fillion, a défendu le choix de son client de "ne pas contester sa responsabilité morale ni sa responsabilité pénale".

- "C'était une folie!" -

Les autres se sont appuyés sur la définition restrictive de l'homicide involontaire dans le code pénal qui exige "une faute caractérisée" pour pouvoir retenir une responsabilité pénale. C'est-à-dire "une faute d'une particulière imprudence: on est à un micron de l'incurie absolue", a souligné Me Pineau.

En l'espèce, les élèves de deuxième année qui organisaient cette séance de "bahutage" avaient "amélioré le dispositif de sécurité" par rapport à l'année précédente, même si "ça paraît absurde de le dire aujourd'hui", a souligné Me Serre, en citant la corde tendue au-dessus de l'étang ou l'exclusion des mauvais nageurs.

"A aucun moment, je ne cherche à légitimer cet exercice stupide", s'est-il défendu. "Cette séance de débarquement en Provence était horriblement dangereuse. C'était une folie!", a-t-il dit.

L'avocat a cependant souligné la "tolérance" de la hiérarchie pour les transgressions, comme ces baignades malgré des panneaux l'interdisant, une "confusion que l'encadrement à malgré lui entretenu". "Le flou brouille totalement la perception (...) que ces élèves ont pu avoir de ce qui était toléré, autorisé, judicieux", a-t-il dit. "On leur laissait tout faire."

"Au sein de l'école de Saint-Cyr, manifestement, les traditions prennent le pas sur le règlement", a abondé Me Lionel Béthune de Moro.

Parmi les sept prévenus, deux ont quitté l'armée depuis 2012: l'ancien chef de bataillon Hervé Wallerand, 49 ans, chargé des élèves de deuxième année à l'époque des faits, et Hugues Delvolve, 30 ans, un des plus hauts responsables du "bahutage".

Dans sa lettre de démission lue à l'audience, M. Delvolve, que ce "drame" n'a "cessé de travailler", dit ne plus "avoir la force morale de faire prendre des risques même modérés" à ses subordonnés. "J'ai perdu toute confiance dans l'institution", écrit-il.

"La culpabilité, je l'assois sur une motivation", a prévenu le président à l'issue des plaidoiries. "Quand, j'ai du mal à motiver, je penche vers la relaxe."

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