A Paris, la place de la République redevient un camp pour éxilés

Auteur:
 
Par Shahzad ABDUL - Paris (AFP)
Publié le 25 mars 2021 - 22:06
Mis à jour le 26 mars 2021 - 12:30
Image
Près de 300 tentes installées pour des migrants place de la République à Paris, le 25 mars 2021
Crédits
© Thomas SAMSON / AFP
300 tentes installées sur la Place de la République pour une nuit de solidarité organisée par plusieurs associations venues en soutien aux personnes exilées, le 25 mars 2021
© Thomas SAMSON / AFP

Les tentes ont ressurgi jeudi soir sur la place de la République, en plein coeur de Paris, à l'initiative de plusieurs associations venues en soutien aux personnes exilées, près de quatre mois après une opération similaire qui s'était achevée par une intervention musclée de la police.

"On revient place de la République parce que c'est un lieu symbolique et aussi parce que depuis la dernière action, rien n'a vraiment changé, il y a toujours autant de gens dans la rue", a expliqué à l'AFP Kerill Theurillat, responsable parisien d'Utopia56, une des associations à l'initiative de ce nouveau campement.

Sur la place, ils sont environ 350, principalement originaires d'Afghanistan et d'Afrique subsaharienne, à dresser les tentes dans une ambiance détendue, juste avant le début du couvre-feu.

Contrairement aux violences qui avaient émaillé le démantèlement du précédent campement le 23 novembre dernier, choquant jusqu'au ministre de l'Intérieur, la police est restée à l'écart.

Et, juste après minuit, les autorités ont commencé une opération de mise à l'abri, en faisant monter les familles dans de premiers bus, pour les emmener vers une structure d'hébergement d'urgence, a constaté l'AFP.

Tresses rouges, vêtue d'un blouson en similicuir, Sandrine, une Ivoirienne de 33 ans, est arrivée en France il y a un an pour des raisons de santé et dans l'espoir d'"avoir une vie meilleure".

"Je suis à la rue, j'ai squatté à droite à gauche mais ces derniers temps, je suis dehors et j'ai failli me faire violer deux fois. Ce sont des expériences traumatisantes... J'essaye de m'intégrer mais en étant une femme, seule, dehors, c'est risqué et difficile", regrette-t-elle.

"Je dors parfois dans la rue ou alors je sous-loue un lit 250 euros. On est venus en France pour une vie meilleure mais on est à la rue", témoigne à son tour Safai, un Afghan de 24 ans qui a obtenu le statut de réfugié il y a deux semaines. "Sans toit, sans sommeil, ma vie est bloquée".

L'action a été lancée à l'occasion de la "Nuit de la solidarité", une opération de recensement des sans-abri dont les associations ont profité pour "demander leur hébergement immédiat, stable et décent", selon leur déclaration commune.

- "Essentiellement des familles" -

Ces exilés à la rue se tournent "chaque soir" vers les associations "en quête d'une tente ou d'un hébergement, tandis que de nombreux citoyens leur ouvrent chaque soir leur porte", ont-elles déploré. "Ce n'est pourtant pas aux associations ni aux habitants de mettre en place des hébergements pour faire face à l'aggravation de la crise du logement, c'est à l'Etat".

En marge du lancement de la "Nuit de la solidarité", la maire de Paris Anne Hidalgo a rendu hommage aux associations, qu'elle a décrites comme des "lanceurs d'alerte" présents "aux côtés des publics les plus démunis".

"C'est la nuit de la solidarité mais ça ne suffit pas de compter les sans-abri, il faut leur proposer un hébergement aussi", insiste M. Theurillat, qui rappelle que les exilés présents sur la place "sont essentiellement des familles", réclamant de la préfecture de police de Paris qu'elle fasse "preuve de discernement".

Le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), Didier Leschi, reconnaît auprès de l'AFP "une grande difficulté sur le logement" en Ile-de-France, estimant que "la question des campements ne passe pas uniquement par l'orientation vers l'hébergement des demandeurs d'asile mais aussi par l'accès aux logements des réfugiés".

Dans un communiqué, les préfectures de police et d'Ile-de-France ont "condamné" l'opération, qu'elles jugent "irresponsable", faisant "courir des risques évidents" en pleine crise sanitaire et "incompréhensible" alors que, selon elles, la préfecture de région "dispose des places d'hébergement nécessaires".

Le 23 novembre dernier, l'évacuation et les violences survenues en marge du démantèlement (usage de gaz lacrymogène, de grenades de désencerclement ou journaliste molesté) avaient suscité une vive émotion.

Le soir-même, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait évoqué des "images choquantes" et demandé un "rapport circonstancié" au préfet de police de Paris. L'IGPN, la "police des polices", et le parquet de Paris avaient dans la foulée ouvert une enquête.

Cette fois, se félicitent les associations, l'opération va se conclure par une mise à l'abri. Sans violences.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.