Pas à pas, les migrants de Calais optent pour les repas de l'Etat

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Par Zoé LEROY - Calais (AFP)
Publié le 23 mars 2018 - 13:40
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Présence policière plus discrète, retrait des barbelés, augmentation des lieux de distribution: face aux réticences initiales des migrants à accepter les repas de l’État, le dispositif s'est adapté, de sorte qu'ils sont de plus en plus nombreux à y prendre part.

Jeudi, 15H00. La distribution des repas dans la zone industrielle de Calais s'apprête à commencer et déjà une dizaine de migrants patientent en file indienne devant le "food truck", une cantine ambulante. Au menu: couscous.

Dans la queue, Suriame, un jeune Indien : "Au début, je ne venais pas parce que les policiers étaient garés devant et moi je n'ai pas de papiers. Mais maintenant ils ne sont plus là, alors je viens tous les jours et c'est très très bon".

Au service, une dizaine de membres de l'association La Vie Active, mandatée par l’État pour organiser les distributions, dont Yasser, un ancien migrant soudanais de l'ex-"Jungle". "Ca facilite le contact avec les réfugiés", pense Laurent Capelle, chef du service de distribution.

Entre 15H00 et 16H00 près de 100 migrants se sont présentés pour un repas, a constaté l'AFP. Deux semaines avant, à la même heure et au même endroit, moins de 10 repas avaient été distribués.

"Ca n'a cessé de progresser" depuis la mise en place du dispositif le 6 mars, assure Fabien Sudry, préfet du Pas-de-Calais. "Il y a eu une nécessaire accoutumance de la population à une prestation qui est nouvelle", observe-t-il.

Les premiers jours, de nombreux migrants se montraient en effet réticents au dispositif, pointant notamment la présence policière.

Alors, pour les séduire, les réunions se sont multipliées en sous-préfecture entre l’État, les associations actives à Calais, dont celles assurant historiquement la distribution et La Vie Active. Et des ajustements y ont été décidés : augmentation du nombre de points de distribution, avec notamment deux camionnettes qui vont à la rencontre des migrants, dispositif policier allégé et retrait des barbelés et des panneaux indiquant une vidéosurveillance du site sur la zone industrielle.

- "Inquiétudes dissipées" -

"Les trois-quatre premiers jours étaient un peu compliqués, admet Stéphane Duval, directeur de La Vie Active, mais petit à petit, de plus en plus de repas ont été distribués. Des gens font encore de la résistance, mais globalement, il n'y a pas de problème."

Au total, jeudi après-midi, 280 barquettes ont été remises selon La Vie Active, sachant que certains migrants reviennent plusieurs fois ou prennent des repas pour leurs amis.

"Les inquiétudes se sont dissipées, les journalistes ne viennent plus, il y a moins de policiers donc ça les rassure", constate Loan Torondel, de l'Auberge des migrants. "Ils sont moins réfractaires et de nouveaux migrants arrivent qui ne sont pas dans le boycott. Mais certains n'en veulent toujours pas", selon Christian Salomé de la même association.

Des migrants "ont toujours du mal à comprendre pourquoi l’État, qui mène une politique de non-accueil en détruisant systématiquement leurs abris, distribue dans le même temps des repas", explique aussi Gaël Manzi d'Utopia 56. Une opération de démantèlement a notamment eu lieu vendredi matin pendant la distribution des petits-déjeuners, selon la préfecture.

Alors, l'Auberge des migrants distribue encore quelque 500 repas chaque soir à Calais, où vivent entre 300 et 600 migrants selon les sources, et l'association Salam des petits-déjeuners le matin.

Ces distributions ont notamment lieu dans une zone près de l'ancienne "Jungle" où une soixantaine de tentes étaient installées jeudi matin, dont l'une a été désignée comme étant la cuisine. Ici, de nombreux migrants se montrent encore récalcitrants face au dispositif de l’État.

"Je n'ai jamais goûté la nourriture du gouvernement et mes amis c'est pareil, nous ne voulons pas approcher la police, ni les caméras, ni les Afghans", dit Jamel, jeune Érythréen, en référence aux rixes récentes entre ces deux communautés, qui se réchauffe les mains autour d'un petit feu. Puis sourit: "J'ai presque 15 ans, il est temps que j'apprenne à cuisiner".

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