Pollution de l'air : prudence face à l'essor des micro-capteurs

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Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS - Paris (AFP)
Publié le 22 janvier 2020 - 10:06
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La municipalité espère que les citoyens, en prenant conscience de la pollution dans leur quartier, c
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© BORIS HORVAT / AFP/Archives
Smartphone connecté à un micro-capteur
© BORIS HORVAT / AFP/Archives

Inquiets de la pollution de l'air, de plus en plus de citoyens, ONG ou décideurs se tournent vers des micro-capteurs bon marché pour évaluer la menace. Mais cette technologie "prometteuse" est encore souvent peu fiable, mettent en garde des experts.

"Au mieux, les micro-capteurs voient flou, au pire ils nous mentent", assène sans détour Nathalie Redon, chercheuse au Laboratoire central français de surveillance de la qualité de l'air, lors d'une conférence cette semaine à Paris.

Particules, dioxyde d'azote, CO2... Des centaines de ces capteurs miniaturisés existent sur le marché et de nouvelles offres naissent chaque semaine, répondant à une forte attente dans un monde où 7 millions de décès sont attribués chaque année à la pollution de l'air.

De quelques euros à plusieurs milliers d'euros, ces produits sont a priori moins chers que les stations de mesure déployées à Paris, Londres ou Los Angeles par les réseaux traditionnels de surveillance.

"Sur le principe, ces micro-capteurs sont très prometteurs", notamment en complément, commente Karine Léger, directrice générale d'AirParif, organisme de surveillance de la région parisienne.

Ils sont faciles à installer, permettent d'accroitre la densité spatiale des mesures ou de fournir des informations plus personnalisées.

Mais en l'absence de règlementation, "il y a derrière ces technologies pas mal de questions, notamment en termes de fiabilité", insiste-t-elle.

Certains capteurs surestiment ou sous-estiment systématiquement le ou les polluants mesurés, ne permettant donc que de détecter des tendances; certains capteurs d'un même modèle peuvent même donner des résultats différents dans les mêmes conditions.

Pour permettre de faire un tri dans l'offre pléthorique, AirParif a dévoilé mardi les lauréats d'un concours sous l'égide d'un jury comprenant notamment l'Organisation météo mondiale.

Les tests sur une trentaine de micro-capteurs révèlent, malgré une durée de vie limitée ("généralement un an à 18 mois"), une amélioration de la qualité générale en un an et une meilleure fiabilité des dispositifs destinés à l'air intérieur.

Dans cet environnement "plus stable", "on a des solutions qui fonctionnent bien notamment pour le CO2 qui donne le taux de confinement d'un bâtiment et indique ainsi à quel moment il faut ouvrir les fenêtres. Une question qui se pose dans les entreprises ou les écoles", explique Mme Léger.

- Pays dépourvus de données -

Mais en extérieur, même un capteur considéré comme fiable ne l'est pas dans l'absolu.

"Si un capteur fonctionne correctement dans un climat méditerranéen, cela ne veut pas dire qu'il fonctionnera bien en Norvège avec de la neige et -10 ou -20°C", note ainsi Nuria Castell, de l'Institut norvégien pour la recherche sur l'air (NILU).

Température, humidité, pression atmosphérique... De nombreux paramètres peuvent altérer le résultat.

"Si vous avez derrière votre fenêtre un dispositif de mesure des particules fines PM2,5 et que vous ne savez pas que l'humidité conduit à une surestimation de 300%, vous pouvez être inquiets du résultat", commente Vicente Franco, de la direction Environnement de la Commission européenne.

Alors les micro-capteurs doivent être testés, comparés aux stations de référence, calibrés, et une correction adéquate appliquée aux résultats. Sans quoi "vous devez au moins être conscients que le résultat pourra être très différent de la valeur véritable", insiste-t-il.

Afin d'éviter cet écueil, IQAir, dont le capteur est un des lauréats du concours d'AirParif, a développé un algorithme "pour appliquer des corrections" selon que l'utilisateur est à Paris ou à Abu Dhabi, explique à l'AFP Chloe Parkin, une représentante de l'entreprise suisse.

Au-delà de cette utilisation citoyenne, cette technologie "peu chère est très attractive pour les pays qui ont des contraintes financières", note Karine de Fremont, de l'Agence Française de Développement qui finance des projets dans des pays du Sud, dont certains sont totalement dépourvus de système de surveillance de la qualité de l'air.

Mais là non plus, les micro-capteurs ne peuvent fonctionner seuls. "Dans certains pays en développement qui cuisinent au bois ou ont de vieilles voitures, la pollution est différente. Vous ne pouvez pas utiliser la même calibration à Paris ou à Kigali", insiste R. Subramanian, de l'université américaine Carnegie Mellon.

L'ingénieur qui travaille avec plusieurs pays africains plaide ainsi pour une approche mixte: "un hub central avec au moins une station de référence dans chaque pays, et un réseau de capteurs moins chers".

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