Prison : les étapes de la lutte contre la radicalisation islamiste

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 22 janvier 2018 - 12:50
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Priorité nationale depuis la vague d'attentats jihadistes de 2015, la lutte contre la radicalisation violente reste "l'urgence" en prison, où une série d'agressions a nourri le mouvement social des surveillants. Voici les différentes étapes et dispositifs visant à contenir cette menace.

- Quels objectifs? -

Les objectifs du gouvernement, qui s'apprête à annoncer un nouveau "plan global" pour la prison, sont multiples: prévenir la "contagion" - la Chancellerie estime qu'environ 15% des détenus radicalisés l'ont été en détention - et les risques de passage à l'acte en prison où la menace est bien réelle, comme l'ont montré les récentes agressions de surveillants à Vendin-le-Viel (Pas-de-Calais) par un vétéran allemand du jihad ou à Borgo (Corse) par un détenu radicalisé.

Il s'agit aussi de mieux cerner les profils terroristes, les analyser et les gérer "dedans", pour préparer leur suivi "dehors".

En décembre 2017, selon la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), sur près de 70.000 détenus en France, on comptait 504 personnes incarcérées (en attente de jugement ou déjà condamnées) pour des faits de terrorisme et environ 1.200 suivies pour radicalisation - des islamistes dans l'immense majorité, avec quelques Basques et Tchétchènes.

A ce jour, une centaine de terroristes ont été définitivement condamnés. On estime, de source proche du dossier, que 60% d'entre eux seront sortis de prison en 2020.

Le nouveau plan d'action devrait, selon des sources gouvernementales, multiplier les dispositifs d'évaluation, repenser les quartiers disciplinaires ou d'isolement pour les détenus les plus dangereux et renforcer la prise en charge des détenus en fin de peine, notamment en milieu ouvert. Des orientations nées d'échecs successifs.

- La tentation du regroupement face à "l'explosion" -

A partir de 2012, année des tueries de Mohamed Merah à Toulouse, le nombre d'islamistes radicalisés ou apprentis jihadistes, ne cesse d'augmenter. Les prisons franciliennes, qui accueillent alors la quasi-totalité de ces profils, sont vite submergées.

Fin 2014, le directeur de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) décide de regrouper les détenus prosélytes dans une aile de l'établissement, pour éviter "la contagion".

L'idée fait son chemin. En 2015, le gouvernement lance les "quartiers dédiés" aux détenus radicalisés islamistes: deux sont prévus à Fresnes, un à Fleury-Mérogis, un à Osny, en région parisienne, et un à Lille-Annoeullin, où sont envoyés les détenus les plus prosélytes et les recruteurs.

L'Etat met 100 millions d'euros sur la table sur trois ans, finance associations et expérimentations diverses. Est ainsi lancée l'idée d'un premier centre de prévention et d'insertion: conçu comme un internat pour pensionnaires volontaires en début de processus de radicalisation, le centre de Pontourny (Indre-et-Loire), ouvert en septembre 2016, fermera à l'été 2017 sans jamais avoir vraiment marché, faute de candidats.

- Le changement de cap -

En octobre 2016, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas annonce un changement de cap complet: les "aires dédiées" vont faire place à six "quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER)", à partir desquels les détenus seront ventilés dans 27 établissements pour une "prise en charge spécifique". Sont aussi annoncés six QVD ou "quartiers pour détenus violents".

Les chocs de l'attaque d'Osny, où un détenu condamné pour terrorisme a grièvement blessé deux gardiens en septembre 2016, et celui de Saint-Etienne du Rouvray, où un radicalisé sous bracelet électronique, a égorgé un prêtre dans son église en juillet, ont accéléré le mouvement.

Priorité est donnée à la détection, avec la création début 2017 d'un Bureau central du renseignement pénitentiaire, dont les effectifs et moyens vont rapidement augmenter.

- Penser la sortie -

C'est l'obsession de la pénitentiaire, des quartiers d'évaluation aux renseignements.

Plusieurs expériences ont les faveurs de la Garde des sceaux, Nicole Belloubet: un programme judiciaire lancé il y a deux ans à Colmar, qui a déjà concerné 23 délinquants en voie de radicalisation islamiste, ou le dispositif Rive, initié en secret fin 2016 qui prend en charge en milieu ouvert, sur décision du juge, des personnes déjà condamnées ou en attente de leur jugement pour une infraction terroriste: parmi elles, des "revenants" de Syrie qui seront étroitement accompagnés pendant un an ou plus.

La Chancellerie souligne qu'il y a désormais une "continuité du renseignement", de la prison à l'extérieur.

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