Réforme de la Justice : les avocats mobilisés, des tribunaux bloqués

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Par Antoine AGASSE, avec les bureaux de l'AFP - Rouen (AFP)
Publié le 10 décembre 2018 - 14:17
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Des avocats mobilisés contre la réforme de la Justice au Mans, le 10 décembre 2018
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© JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Des avocats mobilisés contre la réforme de la Justice au Mans, le 10 décembre 2018
© JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

"Justice en danger, avocats en colère": les robes noires bloquent lundi des tribunaux à Rouen, Nice et en Ile-de-France pour dénoncer une réforme de la justice qui "porte atteinte aux droits des justiciables".

L'examen du projet de réforme de la Justice est actuellement en cours de discussions en première lecture à l'Assemblée nationale qui a déjà voté plusieurs mesures dont la fusion controversée des tribunaux d'instance et de grande instance au grand dam des oppositions.

À Rouen, où le barreau est mobilisé depuis le 4 décembre, 130 avocats ont barré l'entrée du palais de justice pour empêcher les transferts de détenus, selon Éric di Costanzo, bâtonnier de Rouen.

Des codes de procédure pénale ont été plantés sur les grilles du palais de justice tandis que certains avocats en robe noire portaient des masques blancs, symbolisant "la justice sans visage".

Une quinzaine d'avocats parisiens ont d'ailleurs fait le déplacement à Rouen lundi matin pour apporter leur soutien à leurs confrères normands.

"Nous sommes très fiers de ce qu'ils font à Rouen. Ce sont des modes d'action qui nous paraissent nécessaires pour se faire entendre", a déclaré à l'AFP Christian Saint-Palais, avocat parisien et président de l'Association des avocats pénalistes (ADAP), en critiquant le "manque de considération" et le "mépris" du gouvernement.

"Ce projet de loi porte atteinte aux droits des justiciables. Il crée un déséquilibre fondamental de la procédure pénale", a estimé Me Saint-Palais, en citant la suppression des tribunaux d'instance et l'accroissement des pouvoirs du parquet "sans contrepartie".

À Rouen, les avocats sont particulièrement mobilisés contre la réforme de la carte judiciaire et dénoncent une disposition qui prévoit de confier la réévaluation des pensions alimentaires aux Caisses d'allocation familiales (CAF) et non plus à un juge, selon Me Di Costanzo.

- "Justice complètement déshumanisée" -

Le barreau des Yvelines est également en grève et une dizaine d'avocats ont distribué des tracts devant le palais de justice de Versailles lundi matin. Le barreau a voté une grève des audiences jusqu'à mercredi inclus.

"Ce qu'on nous promet, c'est une justice complètement déshumanisée", a déclaré à l'AFP la bâtonnière Christine Blanchard-Masi, un paquet de tracts en main. "Toute cette loi est prétendument fondée sur une modernisation de la justice, et en fait, [elle est menée] pour des raisons budgétaires", a-t-elle ajouté.

"Il n'est jamais trop tard, le gouvernement a déjà reculé", a-t-elle poursuivi.

A Bobigny (Seine-Saint-Denis), une quarantaine d'avocats en robe noire ont bloqué lundi, pendant deux heures, le tribunal de grande instance. En assemblée générale, ils ont voté la "reconduite du blocage" mardi matin et la grève jusqu'à au moins jeudi 11h30.

Ils participeront à un rassemblement mercredi à 11h00 à Paris, à l'appel des barreaux de Paris et d'Ile-de-France.

"Justice en danger, avocats en colère", "magistrats avec nous", scandait lundi matin un avocat au micro.

"Bientôt il n'y aura plus d'accès à la justice sur le territoire, ce sera trop compliqué. Car les saisines des litiges inférieurs à 10.000 euros se feront que sur internet, or beaucoup de gens encore en Seine-Saint-Denis ne savent pas l'utiliser", a déclaré Sonia Boundaoui, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis.

Les tribunaux de Meaux et Pontoise sont aussi bloqués. Le Barreau de Saint-Etienne a lui annoncé la cessation de toutes ses activités et la grève des avocats jusqu'au 15 décembre.

A Toulon, les avocats ont voté lundi matin la suspension des commissions d’office dès lundi soir, et à partir de mardi une grève des audiences: "plus aucun avocat ne plaidera. Il y aura des demandes de renvoi systématique, et ce pour une durée illimitée", a indiqué le bâtonnier Jérémy Vidal.

À Nice, l'accès du tribunal a été bloqué jusqu'à 10H00, perturbant le début des audiences, selon un scénario qui se répète depuis plusieurs jours. Une banderole "Justice morte, Démolition en cours" a été accrochée aux grilles du palais de justice.

À Lille, le conseil de l'ordre a décidé d'une grève générale des audiences pour mercredi.

Ce jour-là, le Conseil national des barreaux appelle à manifester dans le cadre d'une journée "Justice pour tous" à partir de 11h00 devant les préfectures.

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