Régionales : "Très peu de jeunes" aux urnes et des votants "désenchantés", selon une politologue

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Par Adrien DE CALAN - Paris (AFP)
Publié le 21 juin 2021 - 12:45
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Une carte d'électeur à Epaignes, le 20 juin 2021
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© Sameer Al-DOUMY / AFP/Archives
Une carte d'électeur à Epaignes, le 20 juin 2021
© Sameer Al-DOUMY / AFP/Archives

Spécialiste de l'abstention, Céline Braconnier (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye) voit dans le premier tour des régionales et des départementales une nouvelle étape dans le "désenchantement démocratique", entre jeunes qui boudent les urnes et plus âgés qui votent "par devoir".

Q: Comment analysez-vous cette abstention record ?

R: "C'est une tendance de fond, on bat systématiquement des records à toutes les élections, sauf à la présidentielle. Ce n'est qu'en partie lié à la crise sanitaire et de façon assez indirecte. Il n'y a pas eu de véritable campagne. Or, les électeurs les plus loin du vote sont ceux qui ont besoin de campagne de proximité, de porte à porte, de discussions.

Cela vient s'ajouter à une offre politique illisible. Le cadrage de l'élection a été très national, ce qui n'a pas du tout aidé les citoyens à avoir des repères sur les enjeux régionaux et départementaux. La campagne régionale a aussi complètement éclipsé les départementales. Et on a eu deux scrutins où les partis se présentaient dans des configurations très différentes, parfois alliés aux départementales et rivaux aux régionales, dans le même bureau de vote...

Enfin, ce sont bien sûr les moteurs traditionnels de l'abstention qui ont joué: la défiance envers les élus, le sentiment qu'ils sont déconnectés et très éloignés des citoyens et que voter ne change au fond pas grand chose. C'est un nouveau moment de désenchantement démocratique".

Q: Qui a été le plus pénalisé par l'abstention ?

R: "Les facteurs socio-démographiques de l'abstention ont eu un retentissement très fort. Les jeunes votent nettement moins, les catégories populaires aussi.

Dans le bureau de Saint-Denis où j'ai suivi l'élection, j'ai vu très très peu de jeunes. Et les personnes âgées que nous avons interrogées semblaient plus venir par devoir ou par habitude, pour produire un vote désenchanté. Outre l'abstention, chez les rares votants, il n'y avait pas non plus d'engagement ou d'espoir de changement.

Du côté des partis, le RN a un électorat plus jeune, de milieu ouvrier. Ils ne se sont pas déplacés. Il est vrai que le RN suscite souvent un vote d'adhésion et d'engagement. Mais une partie de ses électeurs est très intermittente dans sa participation.

Le RN est désavantagé par rapport à LR, dont le coeur de l'électorat est plus âgé, beaucoup plus constant dans sa pratique électorale".

Q: Ces chiffres sont-ils inquiétants pour 2022 ?

R: "Ils traduisent une désaffection croissante des élections intermédiaires, mais la présidentielle continue à mobiliser assez massivement, malgré une hausse de l'abstention depuis 2007.

Il n'y a donc pas encore de rupture avec l'acte de vote mais il faut arriver à réenchanter la démocratie, avec des campagnes de forte intensité, des lignes beaucoup plus claires, une offre programmatique clivée. C'est extrêmement inquiétant qu'entre deux présidentielles, on n'arrive plus à mobiliser les électeurs sauf ceux qui votent par habitude ou par devoir.

Avec une abstention pareille, l'électorat qui vote est beaucoup plus âgé, beaucoup plus stable et installé. Cela induit des effets sur les politiques publiques, car les élus font aussi une politique pour les électeurs...

Il serait temps de réinvestir la démocratie représentative. On ne peut pas se contenter d'être désolé le soir d'un premier tour. Vous verrez, les élus vont très rapidement passer à autre chose, car ils n'ont pas intérêt à insister sur le faible score lié à leur élection, il en va de leur légitimité. La question de la lutte contre l'abstention n'est pas sérieusement traitée".

Propos recueillis par Adrien de CALAN

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