Sécurité globale : Amnesty dénonce des "détentions arbitraires" lors d'une manifestation

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Par Romain ALLIMANT et Alexandre HIELARD - Paris (AFP)
Publié le 07 février 2021 - 21:45
Mis à jour le 08 février 2021 - 13:54
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Intervention des forces de police Place de la République lors de la manifestation contre la proposition de loi sécurité globale à Paris le 12 décembre 2020
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Intervention des forces de police Place de la République lors de la manifestation contre la proposition de loi sécurité globale à Paris, le 12 décembre 2020
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Infractions "vagues", "charges" sans sommation et "atteinte aux droits": dans un rapport publié lundi, Amnesty International dénonce des "détentions arbitraires" lors de la manifestation parisienne du 12 décembre contre la loi sur la sécurité globale.

Sur les 142 personnes interpellées - dont 124 gardées à vue - ce jour-là, "près de 80% n'ont finalement fait l'objet d'aucune poursuite", relève Amnesty International France en préambule.

Cela soulève "des inquiétudes légitimes sur les risques qu'il y ait eu des arrestations arbitraires et d'autres violations des droits humains", juge l'ONG, membre de la coordination d'associations et syndicats opposée à la loi sur la sécurité globale.

Cette proportion est comparable à celle enregistrée pendant les manifestations de "gilets jaunes": de fin 2018 à fin 2019, seuls 27% des personnes placées en garde à vue ont été poursuivies en justice, avait révélé en novembre le procureur de la République de Paris Rémy Heitz.

"Les forces de l'ordre ne procèdent pas à des arrestations arbitraires. Les actions des policiers et gendarmes sont fondées sur le respect des textes de loi en vigueur", a déclaré la préfecture de police de Paris, sollicitée par l'AFP.

Le décalage entre le nombre d'interpellations et les poursuites effectivement engagées fait régulièrement l'objet de critiques de la part des défenseurs des libertés publiques, mais aussi de policiers qui y voient un laxisme des juges.

"La judiciarisation des manifestations n'est pas nouvelle", concède auprès de l'AFP Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer "Libertés" à Amnesty International France et autrice du rapport. Mais le 12 décembre, "il n'y a pas eu de violences notables de la part des manifestants, de dégradations. Rien ne semble justifier ce qui s'est passé en termes d'arrestations ou de charges", souligne-t-elle.

- "Nasse mobile" -

Entretiens, certificats médicaux, pièces judiciaires: Amnesty s'est penché sur le cas de 35 personnes interpellées sans poursuite, "dont 33 gardes à vue et deux privations de liberté de près de cinq heures".

La manifestation s'était élancée ce jour-là de la place du Châtelet pour rejoindre celle de la République, et avait été encadrée sur les côtés et à l'avant par de nombreux policiers et gendarmes, formant une sorte de "nasse mobile" de laquelle il n'était pas possible de sortir, avaient constaté des journalistes de l'AFP.

A partir de témoignages et de vidéos, Amnesty souligne que les interpellations ont eu lieu à l'occasion de "charges" qui n'ont pas été précédées de "sommation audible" et sans "désordres significatifs" dans le cortège.

"J'ai été surpris par la stratégie de maintien de l'ordre: à chaque intersection, les forces de l'ordre chargeaient sans motif ni sommation sur des manifestants non violents", témoigne à l'AFP Alexis Baudelin, avocat, interpellé ce jour-là sans être placé en garde à vue.

Lors du parcours, les forces de l'ordre avaient multiplié les "bonds offensifs" pour interpeller et, selon la préfecture de police, "empêcher la constitution d'un groupe de +black blocs+ violents", après deux week-ends consécutifs de violences.

- "Délit-obstacle" -

La rapport pointe du doigt aussi des "détentions sur la base de lois vagues", notamment celle sanctionnant la "participation à un groupement en vue de la préparation de violences", reprochée dans 25 des cas étudiés.

Selon Amnesty, seuls deux personnes sur 35 ont été interpellées en possession d'objets (lunettes de plongée, gants et casque de moto) pouvant justifier un soupçon de participation à un groupement violent.

"C'est un délit fourre-tout, qu'on appelle en droit un délit-obstacle. On sanctionne un fait avant qu'il ne se produise", explique Mme Simpere. Cette disposition "manque de précision" et "contribue à ce que les autorités l'utilisent d'une façon qui porte indûment atteinte aux droits humains", écrit Amnesty.

"Ils m'ont dit qu'il faisait partie d'une bande malveillante. C'était incompréhensible (...) Mon fils est militant mais il n'est en aucun cas quelqu'un de violent", raconte à l'AFP Lara Bellini, dont le fils de 16 ans a passé vingt heures en garde à vue avant d'être libéré sans poursuite.

Enfin, au moins cinq cas étudiés par l'ONG ont vu leur rappel à la loi assorti d'une interdiction de paraître à Paris pour une durée pouvant aller jusqu'à six mois, une mesure rendue possible depuis une loi de mars 2019.

Cette restriction au droit de circuler est "une peine sans jugement" qui pose "d'autant plus de problèmes (...) que les personnes visées ne peuvent pas faire appel", dénonce Amnesty, appelant le Parlement à abroger cette disposition du code de procédure pénale.

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