Au procès Charlie, réquisitoire "ferme" contre les "chevilles ouvrières" des attentats

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Par Anne-Sophie LASSERRE et Valentin BONTEMPS - Paris (AFP)
Publié le 07 décembre 2020 - 05:00
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"Chacun a sa part de responsabilité dans ce processus mortifère": au procès des attentats de janvier 2015, le parquet national antiterroriste a appelé lundi à une réponse "ferme" à l'encontre des 14 accusés, appelant la cour à "prendre rendez-vous avec l'Histoire".

"Il y a des procès plus que d'autres qui font trembler la voix, qui font que le cœur se serre, des témoignages qui nous font écraser des larmes derrière un masque", a déclaré l'avocate générale Julie Holveck en préambule de son réquisitoire devant la cour d'assises spéciale de Paris.

"Chacun sait ce qu'il faisait" le jour des attentats. "Ce fut un tremblement de terre dont nous avons senti les répliques à trois reprises au cours de ce procès", avec notamment la décapitation le 16 octobre du professeur Samuel Paty, a poursuivi la magistrate.

Les 7, 8 et 9 janvier 2015, les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly portaient le combat jihadiste en France en attaquant successivement Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et la supérette Hyper Cacher, faisant 17 morts et semant l'effroi dans le monde entier.

Cette série d'attentats nous a "volé notre bien le plus précieux, notre sécurité", a martelé Julie Holveck lors de ce réquisitoire à deux voix avec son collègue Jean-Michel Bourlès. Mais "de l'horreur de ces faits, on doit s'en extraire" pour "juger des hommes", a-t-elle insisté.

- "prétendue cécité" -

Jugés depuis le 2 septembre, les 14 accusés sont poursuivis pour leur soutien logistique présumé aux frères Kouachi et à Coulibaly. Trois d'entre eux sont jugés par défaut, dont Hayat Boumeddiene, ex-compagne de Coulibaly, introuvable depuis sa fuite en Syrie avant les attentats.

Que savaient exactement ces accusés des projets d'attentat? "Il n'est pas question de faire payer aux vivants les fautes des morts" mais "ayez en tête que sans eux, notre trio n'était rien", a martelé l'avocate générale, en détaillant longuement les éléments à charge contre les accusés.

Dans le box, Ali Riza Polat est celui qui risque le plus gros. Jugé pour "complicité" de crimes terroristes, ce Franco-Turc de 35 ans était "présent à chaque étape de la préparation jusqu'à la veille des attentats", selon le parquet.

Multipliant à l'audience les invectives et les coups de sang, cet ami proche du tueur de l'Hyper Cacher, qui encourt la perpétuité, a réfuté toute responsabilité dans les attaques, assurant n'avoir rien su des objectifs d'Amedy Coulibaly.

Une défense partagée par l'ensemble de ses coaccusés, déjà condamnés à de multiples reprises mais jamais pour des affaires de terrorisme.

"Ils ont agi en connaissance de cause de l'engagement jihadiste de l'auteur", estime pourtant Julie Holveck, ironisant sur la "prétendue cécité des accusés".

"Ils sont la cheville ouvrière, la base arrière de ce projet, de la petite main à l'homme de main, du lieutenant au commandant, de la petite frappe au voyou patenté, du fou de dieu à l'opportuniste cynique, de l'homme de base besogne à l'homme aux desseins violents".

- "zones d'ombre" -

L'enquête, sur laquelle la cour est longuement revenue depuis le 2 septembre, a permis d'identifier deux "filières" impliquées dans la fourniture des armes retrouvées en possession d'Amédy Coulibaly: l'une "belgo-ardennaise", l'autre "lilloise".

Plusieurs déplacements entre Paris, Lille et la Belgique ont ainsi été mis au jour à l'aide de la téléphonie, clé de voûte de l'accusation. Quelques traces ADN ont par ailleurs été retrouvées, ainsi qu'une liste d'armes établie et rédigée par Ali Riza Polat.

Mais la façon dont cet arsenal a transité puis atterri entre les mains des terroristes reste toutefois peu claire. Et de nombreuses zones d'ombre entourent le dossier, que les déclarations contradictoires et parcellaires des accusés face à la cour n'ont pas permis de lever.

Des "zones d'ombre" dont les avocats généraux ont reconnu l'existence lundi, tout en rejetant la faute sur l'attitude des accusés.

"Certains ont développé comme ligne de défense l'amnésie, les mensonges, les contre-vérités", a regretté Jean-Michel Bourlès, en dénonçant un "défilé de tartuffes à la barre". L'avocat général a par ailleurs dû présenter ses "excuses publiques" pour un lapsus qui l'a fait confondre le terroriste islamiste Mohammed Merah et le policier Ahmed Merabet tué par les frères Kouachi.

Le réquisitoire doit se poursuivre mardi matin, avec le quantum des peines réclamées par le parquet. Verdict attendu le 16 décembre.

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