Soupçons de caisses noires au groupe de l'ex-UMP au Sénat : l'avenir de l'enquête en jeu

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Par AFP
Publié le 04 novembre 2017 - 14:31
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Le ministre en charge de la Coopération Henri de Raincourt le 10 février 2012 à Nouakchott
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© Watt Abdel Jelil / AFP/Archives
Le ministre en charge de la Coopération Henri de Raincourt le 10 février 2012 à Nouakchott
© Watt Abdel Jelil / AFP/Archives

Cinq ans après les premiers soupçons, l'enquête sur un système présumé de détournement de fonds publics au profit de sénateurs de l'ex-UMP se retrouve en difficulté: cinq d'entre eux contestent leur mise en examen lundi devant la cour d'appel de Paris lors d'une audience cruciale.

Dans cette affaire, la justice enquête sur un possible système de détournement, au profit de sénateurs, d'une partie des enveloppes destinées à rémunérer des collaborateurs parlementaires.

Les enquêteurs s'interrogent sur la légalité de "compléments de revenus" versés entre 2009 et 2014 à des élus du groupe de l'ex-UMP (parti devenu depuis Les Républicains), alors que les sénateurs perçoivent déjà chaque mois 5.300 euros nets d'indemnités et environ 6.000 euros pour les frais de mandat (IRFM).

Au Palais du Luxembourg, ces versements avaient leur surnom: les "ristournes".

Au total, neuf personnes, dont sept élus ou anciens élus, ont été mises en examen dans ce dossier instruit par des juges financiers depuis fin 2013, après une enquête préliminaire du parquet de Paris ouverte en 2012.

D'autres auditions étaient prévues mais, le 14 juin, dans un rebondissement rarissime, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a suspendu toute investigation en attendant de pouvoir se prononcer sur le sort de cinq sénateurs (dont quatre ex-élus) qui nient tout détournement et demandent la nullité de leur mise en examen.

Parmi eux, le sénateur LR Jean-Claude Carle, ancien trésorier du groupe UMP, mis en examen pour "détournement de fonds publics" et l'ancien élu Henri de Raincourt, ex-président du groupe sénatorial, qui est poursuivi pour "recel" de ce délit.

Comme leurs trois ex-collègues, ils invoquent les principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie des groupes politiques prévus par la Constitution. Des arguments qui rejoignent ceux mis en avant par la défense de François Fillon (LR) et Marine Le Pen (FN), ex-candidats à la présidentielle tous deux confrontés à des affaires d'emploi fictif présumé d'assistants parlementaires.

"Le juge judiciaire ne peut s'immiscer dans la gestion des groupes parlementaires qui s'administrent librement", souligne l'avocat des cinq sénateurs, Antoine Beauquier. Autre écueil juridique qui rappelle l'affaire Fillon: la qualification pénale de détournement de fonds publics serait, selon eux, inapplicable aux parlementaires.

La décision de la cour d'appel devrait donc être scrutée.

- Une trentaine d'élus concernés –

Mi-octobre, l'ancien collaborateur de Jean-Claude Carle et l'un des personnages centraux de l'affaire, Michel Talgorn, lui aussi poursuivi, a confié à l'émission de France 2 "Envoyé spécial" avoir distribué pendant plus de 12 ans des chèques à 117 sénateurs: pour un total de 8 millions d'euros selon le reportage, plus de 5 millions d'euros selon Mediapart pour la même période en partie prescrite.

Au coeur de l'enquête apparaît l'URS (Union des Républicains du Sénat), une association ralliée par des anciens de l'UDF à la fondation de l'UMP en 2002 et présidée par Henri de Raincourt.

En juillet 2012, un signalement de Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, a révélé que l'URS avait reçu plus de 450.000 euros du groupe UMP entre novembre 2009 et mars 2012, dont environ 206.000 euros ont ensuite été versés en chèques à 27 sénateurs, et quelque 112.000 euros débités en espèces, selon des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance.

En juin 2015, d'autres versements avaient été retracés entre 2012 et 2015, dont 130.000 euros au sénateur-maire LR de Marseille Jean-Claude Gaudin.

Concrètement, les sénateurs qui n'épuisaient pas leur crédit mensuel de quelque 7.600 euros destiné à rémunérer des collaborateurs pouvaient en déléguer une partie au groupe UMP, pour qu'il embauche du personnel par exemple.

Certains élus récupéraient ensuite le tiers de la somme versée au groupe via l'URS. Selon un autre circuit, "pour les anciens RPR, le groupe UMP payait en direct", selon Mediapart.

Ce mécanisme de rétrocession, qui a perduré jusqu'en 2014, pose question. "Aucun n'avait la conscience de commettre une infraction", souligne une source proche des cinq sénateurs.

D'après eux, un règlement du Sénat de 1989 avait supprimé toute indication sur le devenir des crédits délégués au groupe.

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