Sur les traces de la première truffe blanche cultivée

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Par Ulysse BELLIER - Saint-Laurent-du-Cros (France) (AFP)
Publié le 02 mars 2021 - 19:55
Mis à jour le 04 mars 2021 - 17:12
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Pierre Cammalletti, responsable technique du programme de mycorhization, montre une Tuber magnatum, le 25 février 2021 dans le laboratoire de la pépinière Robin à Saint-Laurent-du-Cros
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© Philippe DESMAZES / AFP
Pierre Cammalletti, responsable technique du programme de mycorhization, montre une Tuber magnatum, le 25 février 2021 dans le laboratoire de la pépinière Robin à Saint-Laurent-du-
© Philippe DESMAZES / AFP

Elle était récoltée sauvage en Italie, elle pourra désormais être cultivée en France: après plus de 20 ans de recherches, une pépinière des Hautes-Alpes est parvenue à maîtriser le cycle de la truffe blanche, aussi chère que difficile à produire.

Cette réussite est issue d'un discret laboratoire situé à 1.000 mètres d'altitude, près de Gap.

C'est ici, entre boîtes de Petri et grandes fioles en verre, qu'a été mise au point la mycorhization de racines de chêne avec Tuber magnatum - l'établissement d'une association symbiotique entre l'arbre et le champignon de la truffe blanche.

Le 16 février a été annoncé une première récolte de truffes blanches issues de ces plants mycorhizés dans un verger du Sud-Ouest - une région où le champignon ne pousse pas à l'état naturel.

Cette grande première est l'aboutissement des recherches engagées il y a plus de 20 ans par Claire Cotton et Pierre Cammalletti, des Pépinières Robin, en partenariat avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Devant son microscope, Pierre Cammalletti a le triomphe modeste: à 59 ans, le responsable du laboratoire salue une avancée "remarquable" après "beaucoup de travail, d'investissement" pour domestiquer une truffe qui se vend entre 1.500 et 5.000 euros le kilo.

En 1999, au lancement du programme, "on savait reconnaître les mycorhizes de truffe noire du Périgord, mais la Tuber magnatum, ça restait inconnu", poursuit-il, vêtu de sa blouse blanche.

Une première étape est franchie en 2008. Le lien entre le champignon et l'arbre est réussi: les mycorhizes de cette truffe blanche du Piémont si recherchée - elle se vend jusqu'à cinq fois plus cher que la truffe noire - se maintiennent sur les racines, et l'Inrae confirme leur présence à l'aide de l'ADN.

- "La part de rêve" -

Mais seule une partie du chemin est alors parcourue, car cette truffe ramassée en Italie et dans l'Est de l'Europe "a des exigences de sol et de climats très précis", explique Bruno Robin, cogérant des pépinières familiale avec sa sœur Christine.

"Le trufficulteur qui souhaite cultiver la Tuber magnatum doit respecter un certain nombre de conditions: qualité du sol, climat, arrosage, taille...", poursuit le patron depuis le site de production de Valernes, près de Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Dans cette grande serre ventilée, quelques centaines de jeunes chênes pubescents en godets, porteurs du fameux micorhize, attendent d'être achetés.

De quelques centaines de plants par an, Bruno Robin espère désormais en vendre jusqu'à 2.500 cette année, peut-être 5.000 l'année prochaine, dont une partie à l'exportation.

Mais les trufficulteurs vont-ils suivre ? A une demi-heure de route, près de Serres, Michel Gautier vit de ses pommes, de ses légumes et, pour "la part de rêve", de quelques truffes récoltées sous ses quelque 800 arbres truffiers - dont une poignée porteurs de la fameuse Tuber magnatum.

Ces plants ont été plantés il y a une dizaine d'années pour tester le procédé. "Le jour où on m'a proposé de planter 20 chênes en expérimentation, j'ai dit +banco+", raconte-t-il dans son verger dédié aux truffes noires

Nous ne verrons pas ces 20 chênes à truffes blanches: M. Gautier préfère en garder la localisation secrète.

"Au-delà du côté business, c'est le rêve de récolter une magnatum", assure-t-il, mais il reste prudent. Une prudence compréhensible: seulement sept truffes ont été récoltées en deux ans dans l'unique plantation du Sud-Ouest sur laquelle se base cette "première mondiale".

Le trufficulteur préfère ainsi attendre "un peu plus de résultats" avant d'investir dans la truffe blanche: "il faut peut-être un tout petit peu se calmer", dit-il.

"Aujourd'hui, je ne sais pas combien de plants ont produit quoi", poursuit l'agriculteur de 65 ans, pour qui la truffe relève toujours du mystère.

"On plante un pommier, on sait qu'il portera des pommes". Pour la truffe, "on sait ce qui fait que ça marche pas. Par contre, ce qui fait que ça marche, on le sait pas !"

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