Un masque chirurgical est-il forcément à usage unique ?

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Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS - Paris (AFP)
Publié le 14 novembre 2020 - 09:00
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Masques pendus à un ceintre. Des voix plaident pour la réutilisation des masques à usage unique, sous condition, pour le grand public
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© Romeo GACAD / AFP/Archives
Masques pendus à un ceintre. Des voix plaident pour la réutilisation des masques à usage unique, sous condition, pour le grand public
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La recommandation des autorités sanitaires est claire: le masque chirurgical doit être jeté après usage. Mais face aux déchets qui s'accumulent et au coût supporté par les citoyens, des voix plaident pour leur réutilisation sous condition, pour le grand public.

"Les masques médicaux sont à usage unique. Jetez le masque immédiatement", affirme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Malgré tout, en cas de pénurie comme celle du début de la pandémie de Covid-19, l'OMS admet des procédures exceptionnelles de décontamination des masques pour permettre leur réutilisation.

L'agence américaine des médicaments (FDA) a d'ailleurs validé en urgence un processus de décontamination des masques N95 (pour soignants, équivalents aux FFP2) par pulvérisation de peroxyde d'hydrogène.

D'autres méthodes existent en contexte professionnel comme l'exposition à des températures élevées ou l'irradiation aux ultraviolets.

"Mais ce n'est pas pratique pour les particuliers", note Denis Corpet, microbiologiste et professeur d'hygiène, membre d'Adios Corona, collectif de scientifiques français de diverses spécialités.

Alors pour limiter la pollution plastique générée par ces masques en polypropylène et les dépenses des familles, Adios Corona plaide --dans un contexte domestique où les gens ne sont pas exposés à des charges virales comparables à des soignants de réanimation-- pour la "méthode des enveloppes".

Placer son masque usagé (sauf s'il est abimé) dans une enveloppe en papier, en y inscrivant la date, et l'y laisser pendant sept jours.

"Plusieurs études scientifiques montrent que sur un masque, les virus (du Sars-Cov-2) sont quasiment tous morts en 7 jours", justifie Denis Corpet.

Ainsi, selon des résultats d'une équipe de l'université de Hong Kong publiés dans The Lancet, seulement 0,1% du volume de virus est encore détectable sur l'extérieur du masque après une semaine.

Peter Tsai, inventeur de la technologie de charge électrostatique des masques N95, qui permet d'attirer les particules pour les empêcher de passer, souscrit lui-aussi à la méthode des sept jours.

"Pour limiter la consommation et préserver l'environnement, je recommanderais de réutiliser le masque après sept jours, et cela 5 à 10 fois pour la population générale. Comme je le fais", indique-t-il à l'AFP.

Il évoque aussi la possibilité de passer le masque au four -- pas trop chaud pour éviter que le plastique brûle, mais suffisamment pour tuer le virus. "La température doit être contrôlée pour rester entre 70 et 75°C", insiste le scientifique à la retraite qui a repris du service à l'Université du Tennessee pendant cette crise du Covid-19.

- "Comme des sous-vêtements" -

En revanche, il déconseille le lavage des masques: "laver sans lessive pourrait ne pas faire disparaître le virus. Laver avec lessive va détruire la charge (électrostatique)", assure-t-il. Il estime toutefois que malgré cette large baisse de capacité de filtration, un masque passé à la machine pourrait être plus efficace qu'un masque en tissu.

C'est d'ailleurs la conclusion de tests réalisés par le groupe français de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, publiés cette semaine.

Trois masques aux normes de filtration de 95% de particules de 3 microns ont été passés à la machine à 60°C, puis au sèche-linge et repassés.

Résultat, après 10 traitements similaires, les trois modèles gardent des capacités de filtration d'au moins 90%. "En dépit d'un léger feutrage, les masques chirurgicaux lavés font donc jeu égal, et au-delà, avec les plus performants des masques en tissu", assure l'UFC-Que Choisir cette semaine.

Des résultats similaires à ceux obtenus par Philippe Vroman, chercheur au laboratoire Gemtex de l'Ecole d'ingénieurs textile Ensait à Roubaix, qui a testé trois modèles jusqu'à présent.

Après au moins cinq lavages, "il n'y a pratiquement pas de différence (de filtration) pour les particules de 3 microns, la différence se fait pour les particules plus petites", assure le scientifique, qui se base sur des résultats préliminaires pas encore publiés.

Ces masques "restent donc parfaitement positionnés pour jouer leur rôle grand public", estime-t-il, faisant référence aux normes appliquées en France pour les masques en tissu, dont la plus élevée requiert une filtration de 90% des particules de 3 microns.

"Et je préfère qu'on change de masque toutes les 4 heures et qu'on les lave, plutôt que de les porter plusieurs jours d'affilée comme certains. C'est un peu comme les sous-vêtements...", poursuit-il.

Mais sans publication scientifique, les recommandations des autorités sanitaires ne changent pas.

"Les masques chirurgicaux à usage unique doivent être jetés dans une poubelle après utilisation", a insisté cette semaine la Direction générale de la Santé française, notant toutefois que "des travaux sont en cours en France" sur la question de la réutilisation des masques.

"Je ne pense pas qu'(un masque chirurgical) soit lavable", conteste également Kaiming Ye, directeur du département d'ingénierie biomédicale à l'université américaine de Binghamton.

Il est éventuellement possible de "réutiliser" un masque médical, "mais des tests approfondis doivent être menés", insiste auprès de l'AFP le chercheur qui travaille sur des normes de décontamination par rayonnements ultraviolets associés à l'ozone.

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