Un point de deal fermé par jour ? En Ile-de-France, le compte n'y est pas

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Par Wafaa ESSALHI, Alice LEFEBVRE - Saint-Ouen (AFP)
Publié le 04 mai 2021 - 21:12
Mis à jour le 05 mai 2021 - 10:30
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Une brigade de police de la sécurite du quotidien interpellent un dealer pendant une patrouille à Sarcelles, dans le Val-d'Oise, le 3 février 2021
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© ALAIN JOCARD / AFP/Archives
Une brigade de police de la sécurite du quotidien interpellent un dealer pendant une patrouille à Sarcelles, dans le Val-d'Oise, le 3 février 2021
© ALAIN JOCARD / AFP/Archives

Au pied de l'immeuble Charles-Schmidt à Saint-Ouen, une pancarte indique le cours du cannabis. Ce "four" emblématique de l'Ile-de-France fait partie des points de deal promis à la fermeture par le gouvernement pour "apaiser" les quartiers mais les habitants, désabusés, doutent que le dealers lâchent ce juteux marché.

"Chaque jour, nous fermons un point de deal", a affirmé Emmanuel Macron au Figaro le 18 avril. "Allez voir dans les quartiers comment cela change la vie!", a-t-il assuré.

Aux Longs Sillons à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), une cité de 100 logements à l'architecture idéale pour installer un supermarché de stupéfiants avec des accès multiples, la sérénité du quartier semble revenue.

"Depuis plusieurs semaines, on ne voit plus personne, ni clients, ni policiers", confie le gérant d'une épicerie alimentaire qui fait face à l'un des plus gros points de deal cartographié par le gouvernement, fermé en mars.

Chaque jour, une centaine de clients, venus de toute l'Ile-de-France, s'y rendaient et le trafic annuel générait plus d'un million d'euros de bénéfice, selon une source policière gradée.

Une habitante historique de la cité, qui préfère garder l'anonymat, est formelle: "les dealers sont partis, il n'y a plus d'allées et venues. Mais jusqu'à quand?"

Pour assécher le trafic, "il a fallu qu'on sature le terrain avec beaucoup de moyens pour éviter que les clients habitués ne reviennent", explique la source policière.

Dans ce département de la première couronne de Paris, une quinzaine de points de deal ont été démantelés depuis la fin 2019, avec près de 600 arrestations dont 70 "têtes de trafic".

- "Un trop gros gâteau" -

Mais comme souvent, les autorités craignent que le point de deal ne se déplace de quelques rues.

"Il y a des tentatives perpétuelles de réimplantation car c'était un spot parfait, à la sortie du périphérique et du métro", détaille le maire PCF de la ville Philippe Bouyssou qui reste "vigilant".

En Seine-Saint-Denis, qui détient le record du nombre de points de deal avec 276 sur les 4.000 recensés en France, des "fours" ferment ponctuellement mais "pas les plus importants", constate un responsable de la police du territoire.

"Depuis 30 ans, il n'y a pas un seul jour où le trafic s'est arrêté à Charles-Schmidt", témoignent les habitants de cette cité de Saint-Ouen regroupés en amicale.

"Les nuisances sonores, l'occupation des parties communes, les menaces, l'insalubrité font partie du quotidien des habitants. Vivre à Charles-Schmidt, c'est bricoler la vie", écrivent les locataires dans une lettre adressée à l'AFP.

Au pied d'une des HLM, une pancarte soignée indique le cours des drogues et la provenance. Shit: 10€/1,8g (Maroc); Cocaïne: 0,5g/30€ (Bolivie).

Ce point de deal rapporte environ 30.000 euros par jour, selon une source policière locale, "c'est un trop gros gâteau pour être lâché par les dealeurs".

A Saint-Ouen, plaque tournante du deal, seul "un four a été totalement démantelé", admet un syndicat de police. Il était installé en face du futur siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)...

"Une patrouille y est tous les jours mais, si tu l'enlèves, le point est rouvert", reconnaît une autre source policière locale.

Dans le Val-d'Oise, sur les 40 points de deal ciblés, "on en a fait tomber une bonne dizaine", indique Frédéric Lauze, directeur départemental de la sécurité publique. "Il y en a d'autres qui s'installent, c'est évident, mais le trafic ne progresse pas", affirme-t-il.

Priorité du gouvernement, la lutte contre le trafic de stupéfiants s'inscrit dans un plan national lancé en 2019.

Depuis début 2021, il y a eu "1.742 opérations de démantèlement", a indiqué le ministère de l'Intérieur à l'AFP, dont 425 à Marseille et 150 dans le Var.

Pour Yann Bisiou, président de l'association L630, spécialisée dans le droit des drogues, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin sont dans "une posture politique de droite". Et les comptes ne sont pas bons: "Il suffit de faire une division, si on ferme un point de deal par jour sur les 4.000 recensés en 2021, il faudrait 11 ans!"

"L'économie parallèle est le moteur des banlieues" et le gouvernement se doit de proposer une solution qui reflète la réalité du terrain, soutient-il.

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