Une vie de tunnelier, des bords du Rhin au Grand Paris

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Par Jean LIOU - schwanau (Allemagne) (AFP)
Publié le 22 mai 2019 - 09:40
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Martin Herrenknecht (g) et Thierry Dallard, à la tête du Grand Paris, devant un tunnelier de l'atelier allemand, le 20 mai 2019
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© PATRICK HERTZOG / AFP
Martin Herrenknecht (g) et Thierry Dallard, à la tête du Grand Paris, devant un tunnelier de l'atelier allemand, le 20 mai 2019
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"Je suis né ici, dans le village!" Martin Herrenknecht a fait de Schwanau, sur la rive allemande du Rhin, près de Strasbourg, la capitale mondiale des tunneliers, dont la plupart de ceux qui creuseront le métro du Grand Paris.

Le site internet de l'entreprise, 5.000 employés et 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires, pose le décor: "Martin Herrenknecht (né en 1942) est le fondateur de l'entreprise Herrenknecht AG, il lui a donné son nom, la fait avancer et la dirige."

L'atelier fondé en 1977 est devenu une usine de 24 hectares, dont les hauts portiques dominent la plaine rhénane. Y ont notamment été fabriqués les tunneliers du métro de Rennes ou de Doha, du RER de Londres ou de grandes percées ferroviaires en Allemagne, en Suisse ou en Norvège.

Dans la cour, un imposant cylindre de 100 mètres de long pour près de 10 mètres de diamètre, pesant la bagatelle de 1.500 tonnes: à l'automne, il commencera à creuser le tunnel de la ligne 16 entre La Courneuve et Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Cette chenille d'acier est une véritable usine en miniature, avec à l'avant, le disque de la roue de coupe, équipée de couteaux et de molettes qui attaqueront la roche et racleront le terrain. Une vis sans fin est chargée de récupérer les déblais, qui seront évacués vers l'arrière par un grand tapis roulant, tandis que des anneaux de béton préfabriqués seront posés au fur et à mesure de l'avancée pour former la voûte du tunnel.

L'intérieur ressemble un peu à un bateau, avec ses escaliers et ses passerelles. "Un sous-marin, plutôt", corrige Thierry Dallard, le président de la Société du Grand Paris (SGP), chargée de construire le supermétro francilien: sous terre, comme sous l'eau, on ne voit rien.

Le tunnelier a aussi son sas de décompression, afin que les agents puissent intervenir dans la chambre d'excavation, derrière la roue de coupe, où s'amoncellent les morceaux de roche avant leur évacuation.

- "Dernier cow-boy" en Europe -

A Schwanau comme lors des traditionnels baptêmes de tunneliers pour lancer officiellement les travaux --les machines portent souvent le nom de l'assistante du chef de chantier--, on présente des engins parfaitement peints.

"Ça n'apporte rien à la fonctionnalité, et au bout d'un tour dans la première paroi il n'y a plus de peinture", reconnaît Frédéric Battistoni, le patron de la filiale française de Herrenknecht. "Mais ça ne coûte pas grand chose de plus, et pour l'image ça change tout!"

Un tunnelier coûte une vingtaine de millions d'euros, note-t-il. Ceux de l'Ile-de-France sont un peu moins chers, les sols étant relativement favorables.

Fabriqués sur mesure dans les ateliers d'Herrenknecht, les tunneliers y sont assemblés et testés, puis démontés pour être transportés sur les chantiers. Dans le cas du Grand Paris, il faut compter quatre jours et trois nuits de voyage dans une centaine de camions, en trente convois exceptionnels...

Les machines sont ensuite réassemblées et retestées avant d'attaquer la roche. Elles progresseront au rythme de 10 à 15 mètres par jour, jusqu'à 55 mètres sous la surface du sol.

Les travaux de génie civil pour les 200 kilomètres du nouveau métro autour de Paris sont attribués par la SGP à des groupements d'entreprises menés par des grands noms du BTP comme Bouygues, Eiffage et Vinci, qui commandent directement leurs machines.

"Au maximum, on aura 21 tunneliers en fonction, en 2021, et déjà 15 ou 16 à la fin de cette année" contre 4 actuellement, détaille Thierry Dallard.

Herrenknecht doit en fournir 19 et le constructeur chinois Creg 2 autres, qui creuseront un lot de la ligne 16 en Seine-Saint-Denis.

Le patron-fondateur de l'entreprise allemande --lui-même est établi en Chine-- n'hésite pas à accuser ses concurrents chinois de "dumping". "Les Chinois ont acheté toutes les sociétés et je suis le dernier cow-boy qui reste en Europe", lance Martin Herrenknecht.

Le français NFM Technologies, repris par le fabricant d'équipements industriels allemand Mülhäuser après la défaillance de son actionnaire chinois, pourrait toutefois revenir sur le marché.

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