Après 25 ans, la droite dure israélienne veut définitivement enterrer Oslo

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Par Stephen WEIZMAN - Amichaï (Palestinian Territories) (AFP)
Publié le 10 septembre 2018 - 16:34
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Des maisons en construction dans la colonie israélienne d'Amichaï, en Cisjordanie occupée, le 7 septembre 2018
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© THOMAS COEX / AFP
Des maisons en construction dans la colonie israélienne d'Amichaï, en Cisjordanie occupée, le 7 septembre 2018
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Sur une colline rocailleuse de Cisjordanie occupée est en train de voir le jour une colonie chère au coeur d'une droite israélienne de plus en plus décomplexée, qui proclame les accords d'Oslo morts et refuse l'indépendance des Palestiniens sur ces terres.

"Oslo est enfoui bien profondément sous terre, enterré", jubile Avichaï Boaran, 45 ans, contemplant les villages palestiniens aux alentours d'Amichaï, la nouvelle colonie israélienne qu'il habite.

"Et les Israéliens sautent sur la terre pour bien la tasser", ajoute-t-il.

Vingt-cinq ans après la signature du premier accord d'Oslo, qui devait conduire à la paix entre Israéliens et Palestiniens, l'Etat hébreu est dirigé par le gouvernement considéré comme le plus à droite de son histoire. Le nombre de colons israéliens en Cisjordanie occupée a par ailleurs explosé, et la paix semble plus éloignée que jamais.

En 1993, au moment où le leader palestinien Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin se serrent la main à la Maison Blanche, 110.066 colons israéliens vivent en Cisjordanie et 6.234 dans la bande de Gaza, selon les chiffres de la Paix maintenant, une ONG israélienne anticolonisation.

Aujourd'hui, il n'y a plus de colons à Gaza: tous ont été déplacés en 2005, une décision du Premier ministre de l'époque, Ariel Sharon, qui a profondément divisé les Israéliens.

Ils sont en revanche plus de 600.000 à coexister plus ou moins pacifiquement avec trois millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, annexée et occupée par Israël.

Au sein du gouvernement de Benjamin Netanyahu, des poids lourds ont clairement fait savoir leur opposition à un Etat palestinien, critiquant vigoureusement les accords d'Oslo.

- Terres bibliques -

Dans le nord de la Cisjordanie, les pelleteuses sont arrivées l'année dernière pour commencer à bâtir Amichaï, première création nouvelle officiellement approuvée par un gouvernement israélien depuis 1991.

Sans créer de nouvelles implantations, Israël avait jusque-là continué à étendre la colonisation à partir de colonies existantes ou en légalisant celles, dites "sauvages", qui avaient vu le jour sans approbation officielle de la part des autorités.

Toutes les colonies, sans distinction, sont illégales au regard du droit international.

Amichaï devrait accueillir une quarantaine de familles, toutes expulsées en février 2017 d'une de ces colonies "sauvages", Amona, évacuée sur décision de la Cour suprême, au prix d'un psychodrame politique israélien.

Avichaï Boaran, ancien d'Amona, habite désormais avec sa famille un modeste préfabriqué tout équipé à Amichaï, avec climatiseur et lave-vaisselle.

Selon lui, Oslo a uni les Israéliens contre la création d'un Etat palestinien sur des terres que beaucoup de juifs considèrent comme leur héritage biblique.

Ces accords devaient à terme mener à "un retrait complet et à établir au coeur de la terre d'Israël, au coeur de la patrie juive, un Etat supplémentaire (...), un Etat arabe supplémentaire", explique-t-il.

"Nous ne sommes pas prêts à accepter une société qui va tourner ses armes et ses aspirations nationales contre nous".

Sans mentionner explicitement une telle issue, Oslo devait déboucher sur l'instauration d'un Etat palestinien.

Mais, en 1995, Yitzhak Rabin est assassiné par un juif extrémiste refusant les accords. Un an plus tard, Benjamin Netanyahu devient pour la première fois chef du gouvernement, une victoire rendue possible par la montée des opposants à Oslo.

- Peu d'espoirs -

Terje Roed-Larsen fut l'un de ceux qui ont secrètement oeuvré au dialogue entre Israéliens et responsables de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1992, en tant que directeur d'un institut de recherche à Oslo.

A l'époque, l'OLP figurait sur la liste des organisations classées terroristes par Israël.

M. Roed-Larsen a d'abord pris contact avec Yossi Beilin, futur ministre israélien adjoint des Affaires étrangères, puis a tenté d'établir un canal de communication secret avec Yasser Arafat.

"Nous avons commencé à parler avec Fayçal al-Husseini, un dirigeant palestinien à Jérusalem", raconte M. Roed-Larsen à l'AFP par téléphone depuis New-York, où il dirige le groupe de réflexion International Peace Institute.

"J'ai réalisé à travers ces discussions que sans l'OLP et Arafat, il était impossible de parvenir au moindre accord".

Les Norvégiens ont donc servi de médiateurs entre les parties et la majorité des discussions se déroulant à Oslo, la ville a donné son nom aux accords.

Même si Oslo s'est enlisé, M. Roed-Larsen continue de croire que "la solution à deux Etats" est "une idée viable".

C'est la solution également privilégiée par la communauté internationale, mais peu d'Israéliens croient qu'elle soit réalisable dans un proche avenir.

Dans un sondage réalisé en août par Israel Democracy Institute et l'université de Tel-Aviv, 47% des personnes interrogées se déclaraient en faveur de la solution à deux Etats, 46% y étaient opposées. Par ailleurs, 86% des Israéliens considéraient que la probabilité de trouver une issue au conflit dans les douze prochains mois était "faible" ou "très faible".

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