Italie : après Moody's et le bras de fer avec Bruxelles, S&P abaisse la perspective de la dette

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Par Céline CORNU - Milan (AFP)
Publié le 26 octobre 2018 - 06:00
Mis à jour le 27 octobre 2018 - 01:46
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Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, le 26 avril 2018 à Francfort.
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© Daniel ROLAND / AFP/Archives
Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, le 26 avril 2018 à Francfort.
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Déjà engagée dans un bras de fer avec Bruxelles au sujet de son budget, l'Italie a vu la perspective de sa dette abaissée par l'agence Standard & Poor's, vendredi dans un verdict un peu moins sévère que la dégradation de la note opérée par Moody's la semaine d'avant.

La coalition au pouvoir à Rome, composée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), a fait le choix d'un budget anti-austérité, prévoyant un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche.

Bruxelles a rejeté mardi ce projet de budget, fustigeant "une déviation claire, nette, assumée et, par certains, revendiquée" par rapport aux règles européennes.

Vendredi, l'agence de notation financière Standard and Poor's a abaissé la perspective de la note de la dette de l'Italie de stable à négative, sans dégrader la note elle-même, qui reste à BBB/A-2.

"La politique économique et budgétaire du gouvernement italien pèse sur les perspectives de croissance du pays", s'inquiète S&P, qui n'a toutefois pas suivi sa concurrente Moody's dans l'abaissement de la note.

Moody's avait dégradé la note italienne de "Baa2" à "Baa3" le 19 octobre, la faisant tomber au dernier cran de la catégorie "investissement", qui précède la catégorie spéculative.

- Risque d'étouffer la reprise -

"La voie économique et budgétaire planifiée par le gouvernement a érodé la confiance des investisseurs", comme le montre l'augmentation du rendement sur les bons italiens, affirme l'agence, qui prévoit pour 2019 un ratio d'endettement budgétaire supérieur (2,7% du PIB) à celui projeté par Rome (2,4%).

"La perspective négative reflète le risque que la décision du gouvernement d'emprunter davantage non seulement exacerbe la faiblesse de la position budgétaire italienne mais aussi étouffe la reprise naissante du secteur privé", affirme encore l'agence.

Un haut responsable européen a indiqué à l'AFP vendredi que "l'Italie pourrait être le prochain pays à avoir besoin du MES", le Mécanisme européen de solidarité chargé d'aider les pays confrontés à des crises de financement, comme la Grèce dans le passé.

"C'est une hypothèse à ce stade, mais c'est la réalité", a-t-il ajouté.

"En proposant un budget largement financé par le déficit, le pays a déclenché un conflit à la fois avec la Commission européenne et les marchés", ont souligné les analystes de Fidelity International, Andrea Iannelli et Alberto Chiandetti.

Depuis mi-mai, date du début des négociations pour la formation de la coalition, la Bourse de Milan a perdu quelque 22%. Le secteur bancaire, qui compte dans son portefeuille 372 milliards d'euros de dette souveraine italienne, selon la Banque centrale, a été le plus affecté, dévissant de 37%.

Le spread, le très surveillé écart entre les taux d'emprunt italien et allemand, a, lui, plus que doublé. Vendredi soir, dans l'attente de l'avis de S&P, il a clôturé en très légère hausse, à 310 points, tandis que le FTSE Mib perdait 0,70%.

Les marchés et la Commission européenne s'inquiètent du budget italien parce que le pays ploie déjà sous une dette colossale: 2.300 milliards d'euros, soit 131% de son PIB, alors que le plafond européen est fixé à 60%.

Rome a jusqu'au 13 novembre pour présenter à Bruxelles un budget révisé. Elle s'expose sinon à une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières.

- "On continue !" -

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, s'est déclaré "confiant" jeudi sur la possibilité d'un accord.

Bruxelles refuse un choc frontal. "Il est très important que le dialogue continue (...) et je ne suis pas celui qui interrompra ce dialogue", a déclaré le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

Les deux leaders des partis de la coalition, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi Di Maio (M5S), n'entendent en tout cas pas céder.

"Les agences de notation ne se sont pas rendu compte de la crise mondiale ?", a raillé après la décision de S&P M. Salvini, qui martèle depuis une semaine son intention de ne pas toucher une virgule au projet de budget.

Elles "ne mesurent pas le bien-être des citoyens d'un pays, mais ceux qui attendaient S&P pour continuer à ramer contre le gouvernement ont eu une mauvaise surprise ce soir: la note de l'Italie a été confirmée. On continue ! Le changement est en marche", s'est réjoui M. Di Maio.

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