Dans la capitale du Zimbabwe, un village pour sauvegarder les traditions

Auteur:
 
Par Fanuel JONGWE - Harare (AFP)
Publié le 03 novembre 2018 - 08:59
Image
Hatifari Munongi, conteuse, poète et enseignante à la retraite dans sa hutte reconstituant l'habitat traditionnel africain, le 18 octobre 2018 à Harare, au Zimbabwe
Crédits
© Jekesai NJIKIZANA / AFP
Hatifari Munongi, conteuse, poète et enseignante à la retraite dans sa hutte reconstituant l'habitat traditionnel africain, le 18 octobre 2018 à Harare, au Zimbabwe
© Jekesai NJIKIZANA / AFP

Au coeur d'une banlieue aisée d'Harare, une hutte arrondie au toit de chaume se démarque des habitations à l'architecture récente. De petits citadins en uniforme entrent bouche bée dans la modeste demeure où sont exposés calebasses, arc et flèches, poteries, tambourin en peau de vache ou encore matelas en roseau.

La propriétaire des lieux, Hatifari Munongi, conteuse, poète et enseignante à la retraite, a reconstitué dans sa propriété une maison traditionnelle africaine.

Un projet qui s'est imposé en discutant avec les enfants de son quartier de Marlborough.

"Quand je demandais à un enfant ce qu'était un +nhodo+, il me regardait l'air hébété", raconte l'octogénaire en référence à un jeu de galets qui se joue, depuis des générations, dans des trous creusés à-même le sol.

"Ca leur était totalement étranger. Pour moi, ce n'était pas bon signe", explique-t-elle, fichu rose sur la tête et tablier bleu passé sur une robe traditionnelle aux couleurs éclatantes.

"J'ai alors décidé de faire quelque chose pour sauver la culture et les traditions" du Zimbabwe.

La retraitée a puisé dans ses économies pour construire un lieu dépositaire de l'héritage culturel de son pays.

Dans sa cour, elle a fait construire une hutte au sol en terre battue, un clapier et un enclos pour - faux - bétail, un boeuf grandeur nature en fer.

Un espace est également réservé aux hommes, avec tabourets et rondins disposés en cercle autour du feu, pour débattre des affaires du village.

A l'intérieur de la hutte, Hatifari enseigne un mode de vie disparu ou menacé par une rapide urbanisation.

"L'idée était que les enfants des villes expérimentent le mode de vie des Africains autrefois, mais aussi le mode de vie de certains d'entre eux aujourd'hui encore", explique Hatifari.

En l'espace d'une trentaine d'années, la population de la capitale a plus que triplé, passant de 615.000 habitants en 1980 à 2,1 millions en 2012. Elle devrait dépasser les 3 millions d'ici 2032, selon les prévisions officielles.

Un exode rural en partie lié à la grave crise économique qui ravage le pays depuis deux décennies.

- Beurre de cacahuète -

Dans le "village" d'Hatifari, les enfants d'Harare renouent avec la vie rurale.

"Ici, ils ont l'occasion de manger du maïs grillé, de jouer à des jeux traditionnels, d'écouter de la musique traditionnelle, de toucher de vieux ustensiles en terre cuite, de voir une grand-mère faire du beurre de cacahuète", raconte la propriétaire, une célébrité locale depuis qu'elle a décroché, en 2016, un diplôme de sociologie à l'âge de 77 ans.

Sa petite-fille Vimbai Gudza, 23 ans, a un diplôme de biochimie. Mais elle pointe au chômage dans un pays où il avoisine les 90%. Du coup, elle donne un coup de main à sa "gogo" (grand-mère).

"Pour moi qui ai grandi en ville, c'est une sacrée expérience d'être ici. Je sais maintenant faire de la farine en pilant du grain dans un mortier", lance-t-elle fièrement.

Pour Chipo Mautsire, originaire du district rural de Masvingo (sud-est) et assistante d'Hatifari, ce lieu est essentiel, à une époque, où selon elle les traditions se perdent.

"Il y a tant de choses que les jeunes d'aujourd'hui ne savent plus faire comme s'agenouiller pour saluer leurs aînés".

Viola Rupiza rentre du Royaume-Uni après 14 ans d'absence. "Je suis très impressionnée" par ce village. "Ca me rappelle nos visites à la campagne. C'est plein de nostalgie".

La visite du "village", fréquenté avant tout par les écoles, coûte 3 dollars par adulte et 1 dollar pour les enfants.

A 80 ans, Hatifari ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Elle souhaite désormais accueillir des événements culturels comme des cérémonies de mariage traditionnel où les représentants du marié négocient le prix de la future épouse avec sa famille.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.