Dans les champs argentins, le combat contre le glyphosate

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Par AFP - Dique Chico
Publié le 07 juillet 2018 - 00:11
Mis à jour le 09 juillet 2018 - 13:04
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La militante argentine Sofia Gatica à Anisacate, dans le nord de l'Argentine, le 21 janvier 2018
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© DIEGO LIMA / AFP/Archives
La militante argentine Sofia Gatica à Anisacate, dans le nord de l'Argentine, le 21 janvier 2018
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"Vous ne pouvez pas fumiger!", crie en agitant les bras Sofia Gatica, pendant un épandage de glyphosate, en plein milieu d'un champ de soja, en Argentine, où l'utilisation de l'herbicide controversé est largement répandue.

Ce jour-là, la militante a été ceinturée puis menottée par des policiers pour violation de propriété privée, près du village de Dique Chico, dans les plaines fertiles de la Pampa, où le conflit est quotidien entre habitants préoccupés par les effets du produit sur la santé et l'environnement, et les producteurs agricoles, pour qui le produit créé par Monsanto est indispensable à leurs cultures OGM.

Pour l'organisation mondiale de la santé (OMS), le glyphosate est probablement cancérigène.

En Argentine, le soja OGM s'est considérablement répandu dans les années 1990, gagnant du terrain sur l'élevage bovin traditionnel, le rendement à l'hectare étant plus avantageux.

Aujourd'hui, il y a 18 millions d'hectares de soja, qui donnent une production de 35,8 millions de tonnes, situant l'Argentine comme 3e producteur mondial, derrière les Etats-Unis et le Brésil. Des millions de litres de glyphosate sont déversés dans les terres cultivables.

Le premier procès aux Etats-Unis autour de possibles effets cancérigènes du Round Up, l'herbicide controversé de Monsanto contenant du glyphosate, doit débuter lundi à San Francisco.

- Pas de législation nationale -

Sans législation nationale, les maires ont émis des arrêtés municipaux pour encadrer la fumigation, sous la pression de leurs administrés. Ces règles sont généralement contestées par les producteurs, ce qui accentue le conflit.

"D'un côté, il y a des droits constitutionnels, comme le droit à exercer une activité licite, que les producteurs invoquent normalement. Mais, de l'autre côté, il y a le droit à la vie dans un environnement sain", fait remarquer Dario Avila, un avocat spécialisé en matière d'environnement.

"En matière de produits toxiques agricoles en Argentine, il n'y a pas de loi nationale qui s'applique à tout le territoire. Les normatives sont le privilège des gouvernements provinciaux", souligne-t-il.

"Moi je suis entrée dans une propriété privée pour empêcher la fumigation qui entre sans permission dans les logements. Eux, ils peuvent entrer dans nos maisons sans autorisation, et nous, on doit leur demander la permission pour qu'ils ne nous tuent pas", dénonce Mme Gatica.

"Leur fumigation pénètre dans ma maison, dans mon jardin potager, le sol de mon potager s’appauvrit, cela pollue et mes enfants meurent", insiste Sofia Gatica, qui habite un village voisin de Dique Chico, Anisacate.

Elle a perdu sa fille de trois mois, née avec des malformations.

Selon le médecin Medardo Avila, du Réseau des médecins des villages fumigés, le nombre de cancer et de malformations à la naissance a augmenté dans les populations rurales, depuis que l'utilisation du glyphosate s'est développé.

- "Eco-terroristes" -

"Nous médecin, nous observons une évolution des maladies. On meurt principalement de cancer, depuis que la fumigation et l'utilisation de produits agricoles toxiques s'est développée de manière massive".

"C'est très clair, on détecte dans les populations agricoles d'Argentine, trois fois plus de cancers que dans les villes", observe le Dr Avila.

En plus, dit-il, sur 100 naissances en zone rurale, 6 enfants naissent avec des malformations, contre 2% dans en zone urbaine.

Alejandro Dalmasso, producteur de soja à Dique Chico, considère les militants anti-glyphosate comme des "éco-terroristes". "Nous sommes attachés aux bonnes pratiques agricoles, affirme-t-il. Il y a une règlementation, et nous la respectons. Ces groupes sont dispersés dans toute l'Argentine, ils font du mal au pays".

"Il n'y a aucune base scientifique sérieuse qui accrédite ce qu'ils affirment", poursuit l'agriculteur.

Fabian Tomasi n'a plus que la peau et les os. Cet Argentin de 53 ans a travaillé pendant des années dans la province d'Entre Rios où il était chargé de remplir d'herbicide les réservoirs des avions de fumigation. Il manipulait sans protection des bidons de produits toxiques à Basavilbaso.

Pour lui, le glyphosate est "terriblement trompeur, un piège qui nous a été tendu par des gens très puissants".

"Il ne restera personne. Toutes les terres que nous avons ne suffiront pas pour enterrer tous les morts", estime cet homme, désabusé, qui souffre depuis des années d'une polyneuropathie toxique sévère.

La maladie l'empêche de consommer des aliments solides, il marche avec difficulté car il a perdu toute sa masse musculaire et la mobilité de ses mains est limitée. Incapable de vire seul, c'est sa mère de 80 ans qui s'occupe de lui.

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