De Xi à Poutine en passant par Erdogan ou Orban, la marche des dirigeants autoritaires

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Par Fabien ZAMORA - Paris (AFP)
Publié le 02 mars 2018 - 12:22
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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le président chinois Xi Jinping, qui a obtenu que soit supprimée la limite de deux mandats présidentiels de cinq ans, lors d'une conférence au nord de Péki
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© Kenzaburo FUKUHARA / POOL/AFP/Archives
© Kenzaburo FUKUHARA / POOL/AFP/Archives

Avec un Xi Jinping pouvant se maintenir indéfiniment au pouvoir, la Chine s'ancrera un peu plus dans le groupe croissant des pays dirigés de manière autoritaire, une expansion des régimes à homme fort qui interroge le modèle démocratique occidental.

Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan, Viktor Orban, Abdel Fattah al-Sissi, Rodrigo Duterte... Pour beaucoup démocratiquement élus, ces dirigeants soufflent dans les voiles de l'illibéralisme politique, ce concept de gouvernance qui, schématiquement, n'est pas favorable à la défense des droits individuels face aux autorités.

Et c'est le modèle même de la démocratie libérale, unissant désignation démocratique des dirigeants et libertés publiques garanties par l'Etat de droit, que remet en question cette prolifération.

Ces régimes "rejettent le modèle démocratique dans lequel nous (Occidentaux, ndlr) avons grandi, que nous considérons normal alors qu'évidemment il ne l'est pas, car d'un point de vue de l'histoire humaine, il n'a pas une existence si ancienne", déclare à l'AFP George Magnus, chercheur britannique au centre sur la Chine d'Oxford University.

D'autant que le coeur des démocraties libérales, les Etats-Unis et l'Europe, est traversé de courants, ayant par exemple entraîné l'élection de Donald Trump ou le vote du Brexit, et qui ne sont pas nécessairement favorables à l'aspect "libéral" de leur régime démocratique.

- 'Nouvel entre soi' -

"Il est certain que le club des démocraties dirigées s'agrandit" et que la Chine est "un membre éminent de ce nouvel +entre soi+ récalcitrant à la volonté de préséance américaine", dans la diplomatie mondiale, estime Caroline Galacteros, docteur en sciences politiques et dirigeante du cabinet de conseil Planeting.

"L'enjeu pour ces Etats est de décorréler leur développement économique et financier qui, à bien des égards, fonctionne sur les principes du libéralisme global et joue à fond la mondialisation, du contrôle politique et social de leurs peuples multiples... pour éviter le sort de la Russie des années 90 notamment", plongée dans un état de profond délabrement après la fin de l'URSS, explique Mme Galacteros.

Au tournant des années 90, certains penseurs comme Francis Fukuyama s'étaient demandés si l'humanité n'arrivait pas à la "Fin de l'histoire" avec l'avènement inéluctable de la démocratie libérale victorieuse du communisme et des dictatures.

Mais avant la fin de la décennie, Fareed Zakaria écrivait dans la revue Foreign Affairs sur l'émergence "de la démocratie illibérale", au sein de régimes entrés dans le moule démocratique.

Et cela perdure, certains pays glissant progressivement vers l'illibéralisme après avoir élu des dirigeants autoritaires, comme en Turquie ou en Hongrie.

"En termes de gouvernance internationale, c'est une époque très dangereuse", pour les défenseurs de la démocratie libérale, juge M. Magnus. Ils devraient "certainement penser à comment faire face au phénomène".

Plusieurs dirigeants "derrière cette émergence des +démocraties illibérales+ exploitent le mécontentement (envers la mondialisation, l'automatisation, les migrations, etc)", estime Kenneth Roth, directeur de l'ONG Human Rights Watch.

- Macron met en garde -

"Il est important pour les leaders démocratiques (libéraux, ndlr) de mettre en lumière la vacuité des programmes politiques de ces autocrates", déclare-t-il à l'AFP, ajoutant que "la Chine a fourni du soutien économique à plusieurs autocrates dans le monde", alors que Pékin a des liens économiques importants avec le Venezuela ou le Zimbabwe par exemple.

"Cette tentation illibérale, nous ne devons pas la prendre aujourd’hui à la légère et elle constituera à n’en pas douter l’un des combats que la France aura à conduire, mais également l’Union européenne, au cours de l’année 2018 parfois avec plusieurs de ses membres", a prévenu Emmanuel Macron début janvier.

L'Europe de l'Est est un des théâtres de cette opposition entre modèles de gouvernance, avec notamment Viktor Orban ou la Pologne critiquée par l'UE qui lui reproche de vouloir compromettre l'Etat de droit. La Chine laboure ce terrain, notamment avec son format diplomatique 16+1, entre Pékin et 16 pays d'Europe centrale et orientale ou son projet de "nouvelles routes de la soie" commerciales.

"A terme", estime pour l'AFP Jean-François Di Meglio, président du cabinet français Asia Centre, "les pays d'Europe de l'Est ne peuvent que se souvenir qu'ils sont sortis de la situation où ils étaient jusque dans les années 90 grâce à l'attractivité du modèle ouest-européen, aussi imparfait qu'il soit et aussi entaché, selon les critiques venues de Chine ou d'ailleurs, de prosélytisme américain".

Mais un des problèmes pour les démocraties libérales pourrait jaillir de leur propre sein. Pour M. Roth, par exemple, "il est évident que le gouvernement américain n'est plus moteur de la démocratie libérale quand son leader, le président Trump, s'en prend à plusieurs de ses contre-pouvoirs (journalistes, juges, activistes)".

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