Duque contre Petro : quatre idées qui divisent l'électorat en Colombie

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Par Marcela RODRIGUEZ - Bogota (AFP)
Publié le 11 juin 2018 - 12:43
Mis à jour le 12 juin 2018 - 01:08
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Combo représentant les deux candidats au deuxième tour de la présidentielle en Colombie, qui aura lieu le 17 juin 2018 : Gustavo Petro (gauche) et Ivan Duque (droite)
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© Raul ARBOLEDA, Luis ACOSTA / AFP/Archives
Combo représentant les deux candidats au deuxième tour de la présidentielle en Colombie, qui aura lieu le 17 juin 2018 : Gustavo Petro (gauche) et Ivan Duque (droite)
© Raul ARBOLEDA, Luis ACOSTA / AFP/Archives

Le candidat de droite Ivan Duque et l'ex-guérillero de gauche Gustavo Petro diffèrent sur tous les sujets. Mais quatre thèmes les divisent particulièrement avant leur duel au second tour de l'élection présidentielle prévu dimanche en Colombie.

1 - Accord de paix

Les Colombiens sont appelés à choisir entre deux pôles idéologiques, à l'issue de plus de cinq décennies de confrontation avec les Farc, qui fin 2016 ont signé la paix et désarmé 7.000 guérilleros pour se lancer dans l'arène politique.

Ce pacte historique, dont on calcule qu'il a permis d'éviter environ 3.000 morts l'an passé, avaient rejeté par référendum avant qu'il soit renégocié et voté au Parlement, est le noeud de cette polarisation.

Dauphin de l'ex-président Alvaro Uribe, Ivan Duque, favori des sondages et arrivé en tête du premier tour avec 39,1% des voix, entend modifier l'accord pour que les anciens rebelles accusés de crimes contre l'Humanité soient condamnés à des peines de prison minimales et ne puissent siéger au Congrès.

L'accord garantit au parti politique Farc 10 sièges sur 280 pour deux mandats de quatre ans.

"Il y aura des modifications permettant une paix crédible, durable et fondée sur la justice", a promis le candidat de droite, qui est assuré d'un important soutien parlementaire.

Au contraire, Gustavo Petro, ex-guérillero du M-19 dissout en 1990 et qui a recueilli 25% des voix le 27 mai, veut respecter l'accord et consolider la paix par d'importantes réformes.

"Terminer une guerre ne veut pas dire trouver la paix, pour cela il faut une réforme en ce qui concerne la terre, l'éducation, la santé, l'appareil judiciaire et le régime politique", estime-t-il.

"Petro provient d'un processus de paix relativement réussi et c'est sa perspective, alors que le secteur que représente Duque, bien qu'il nie vouloir déchiqueter l'accord, est ouvertement à l'opposé", souligne Fabian Acuña, analyste de l'Université Javeriana.

2 - Drogues

La Colombie est le premier producteur mondial de cocaïne. En 2016, elle comptait 146.000 ha de plantations de coca, matière première de la poudre blanche, selon l'ONU.

Duque refuse toute légalisation des drogues et propose même de supprimer la dose minimale autorisée depuis 2009 pour la consommation personnelle.

"Il faut à nouveau pénaliser, mais pas criminaliser", dit-il, sans écarter la reprise des aspersions aériennes avec un désherbant différent du glyphosate, interdit depuis 2015 du fait de ses effets toxiques.

L'actuel gouvernement verse des compensations économiques aux paysans qui substituent volontairement la coca par d'autres cultures.

De son côté, Petro propose un débat international sur l'"échec" de la lutte anti-drogue et de donner des terres aux cultivateurs pour les inciter à abandonner les plantations illicites.

3 - Modèle économique

Duque, favorable à l'économie de marché et au secteur privé, préfère un Etat réduit et austère. "Nous allons restructurer l'Etat pour éliminer le gaspillage et les dépenses inutiles", dit ce défenseur de l'"économie orange" des secteurs de l'innovation.

Il prévoit aussi de diminuer les impôts des entreprises afin de générer de l'emploi, d'augmenter les salaires et de développer le secteur minier dans le respect de l'environnement.

Convaincu des dangers du changement climatique, Petro défend l'énergie solaire et propose de supprimer la "dépendance" de la Colombie envers le pétrole et les mines (7% du PIB).

Sa proposition d'imposer les grandes propriétés terriennes improductives lui a attiré les critiques de ceux qui agitent le spectre des expropriations et du chavisme vénézuélien.

A tel point qu'il a dû s'engager à ne pas exproprier et à favoriser l'"initiative privée, la liberté d'entreprendre et la régularisation du travail".

"Le Colombien moyen est conservateur et cela l'empêche d'envisager qu'un gouvernement de gauche ne soit pas automatiquement marxiste ou communiste", a déclaré à l'AFP Felipe Botero, politologue de l'Université des Andes.

4 - Venezuela

La Colombie, qui n'a pas reconnu la réélection du président Nicolas Maduro, est confrontée à un afflux de migrants sans précédent: 762.000 Vénézuéliens fuyant la crise politico-économique depuis ces deux dernières années.

Petro, qui a été proche du président défunt Hugo Chavez, a pris ses distances avec Maduro et mis en cause la transparence de sa réélection. Il propose d'accentuer la pression diplomatique pour que le Venezuela revienne au système inter-américain des droits humains de l'OEA.

Duque, de son côté, qualifie le régime de Maduro de "dictature" et entend s'unir à d'autres pays pour le dénoncer devant la Cour pénale internationale (CPI). Il veut aussi sortir la Colombie de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) selon lui trop proche de Caracas.

"La relation avec le Venezuela va être problématique. Duque va poursuivre la confrontation et Petro pourrait se rapprocher d'un gouvernement complexe", avance Felipe Botero.

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