En Arménie, le nouveau Premier ministre en croisade contre la corruption

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Par Mariam HARUTYUNYAN - Erevan (AFP)
Publié le 05 juillet 2018 - 08:45
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Le premier ministre arménien Nikol Pachinian à Erevan, le 9 juin 2018
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© Karen MINASYAN / AFP/Archives
Le premier ministre arménien Nikol Pachinian à Erevan, le 9 juin 2018
© Karen MINASYAN / AFP/Archives

De l'armée aux douanes en passant par les écoles, c'est une croisade tous azimuts contre la corruption qu'a lancée le nouveau Premier ministre arménien depuis que des manifestations massives l'ont porté au pouvoir, non sans résistance de la part des élites de ce petit pays du Caucase.

Nikol Pachinian a été élu en mai par les députés à ce poste aux pouvoirs élargis après avoir rassemblé pendant des semaines des dizaines de milliers d'Arméniens dans les rues, pour protester contre l'ancien président Serge Sarkissian et son projet de rester au pouvoir comme chef du gouvernement.

Le charismatique ancien journaliste de 42 ans a bâti sa popularité sur la promesse de mettre un terme à la corruption omniprésente, qui a depuis longtemps été la principale cause de désaveu de la population envers la classe dirigeante.

Le mois dernier, la justice arménienne a ouvert des enquêtes anti-corruption visant pêle-mêle les autorités de la capitale, Erevan, l'armée, les douanes ou encore des écoles. Deux hauts responsables ont été placés en détention.

Des perquisitions ont visé jusqu'aux frère et neveu de Serge Sarkissian. Selon les enquêteurs, l'entreprise du neveu de l'ancien président est soupçonnée de ne pas avoir payé l'équivalent d'environ 500.000 euros d'impôts.

Le plus gros coup de filet est intervenu mi-juin, avec l'arrestation du général à la retraite Manvel Grigorian, qui a également été député de l'ancien parti au pouvoir, le Parti républicain de M. Sarkissian.

Cette figure respectée de la guerre avec l'Azerbaïdjan dans les années 1990, est accusée d'avoir détourné massivement des biens de l'Etat et de possession illégale d'armes.

- Armes et voitures de luxe -

La direction du Parti républicain a d'abord dénoncé une arrestation "illégale et politique", mais s'est finalement résolue à exclure l'ancien général après la publication de preuves par les enquêteurs.

La télévision publique a diffusé des images montrant les perquisitions dans la villa de campagne de Manvel Grigorian, où la police a découvert une cache d'armes, une collection de voitures de luxe et des véhicules à l'origine destinés à l'armée mais inscrits sous le nom de ses proches.

Selon les enquêteurs, l'ancien héros de guerre, qui était en charge de délivrer de l'aide humanitaire à l'armée en tant que président de la société des vétérans arméniens, a détourné des rations alimentaires envoyées par des écoliers aux soldats pour nourrir les animaux de son zoo privé.

Il a été déchu de son immunité parlementaire et placé en détention provisoire dans l'attente de son procès.

"Nous assistons à la plus grande révélation de la corruption dans l'histoire de notre pays", a souligné le Premier ministre Nikol Pachinian en commentant cette affaire devant son cabinet ministériel.

La croisade anti-corruption a également mis au jour des cas d'évasion fiscale de grandes compagnies liées au Parti républicain.

- "Résistance" -

Des experts estiment que l'étendue de la corruption de l'ancienne élite au pouvoir, révélée par les efforts de Nikol Pachinian, a porté un coup fatal à la mainmise du Parti républicain sur cette ancienne république soviétique.

"La corruption en Arménie est un héritage soviétique, mais même à cette époque, ce n'était pas aussi scandaleux et répandu", explique l'analyste indépendant Hakob Badalyan, ajoutant que la population a conscience que "de tels crimes n'auraient pas été possibles sans la complicité de l'ancien gouvernement".

"L'arrestation de Grigorian a été un coup dur pour les Républicains. Ils en portent la responsabilité morale et leurs chances de remporter les prochaines élections sont désormais proches de zéro", souligne un autre expert, Viguen Hakobyan.

Si la croisade de Nikol Pachinian a d'ores et déjà transformé le paysage politique en Arménie en chassant les anciennes élites, les experts voient une possible "résistance de responsables corrompus qui sentent leur tour arriver".

"Pachinian et son gouvernement mènent une lutte contre la corruption pas-à-pas, prudemment, car ils ont conscience que de puissantes forces pourraient tenter de contre-attaquer", relève M. Hakobyan.

La semaine dernière, un proche allié de M. Pachinian, Artur Vanetsian, à la tête des services de sécurité arméniens, a indiqué aux journalistes que "certains groupes" manigançaient pour tenter d'assassiner le Premier ministre réformateur.

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