En Catalogne, l'anxiété des non indépendantistes

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Par AFP
Publié le 06 octobre 2017 - 16:08
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Le siège de la Caixabank, le 5 octobre 2017 à Barcelone
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© PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP
Le siège de la Caixabank, le 5 octobre 2017 à Barcelone
© PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Asuncion Garcia lit anxieusement le journal sur un banc de Barcelone. Elle y pointe un graphique consacré à la chute de l'action de CaixaBank, la plus grande banque de Catalogne, sa région qui menace de rompre avec l'Espagne.

"J'ai mes économies à CaixaBank, le peu que j'ai pu mettre de côté", s'inquiète cette femme de 68 ans, originaire de la province de Léon (nord) mais installée depuis 50 ans en Catalogne.

Dans cette région de 7,5 millions d'habitants, Asuncion fait partie de ceux qui n'ont jamais envisagé une sécession et qui regardent avec inquiétude voire colère les événements se précipiter.

Se désignant eux-mêmes comme une "majorité silencieuse", ceux qui veulent rester espagnols s'inquiètent des conséquences économiques et politiques d'une rupture, alors que les dirigeants séparatistes de Catalogne menacent de proclamer unilatéralement l'indépendance, faute de dialogue avec Madrid.

A la question "Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat indépendant", 41,1% des Catalans sondés avaient répondu "oui" en juin.

Mais ces derniers jours, bien d'autres électeurs semblent s'être ralliés à leur cause, sous le coup de l'indignation suscitée par les violences policières ayant émaillé le référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre.

Dans le quartier Nou Barris, l'un des moins indépendantistes de la cité de 1,6 million d'habitants, beaucoup se montrent préoccupés, mais la plupart refusent de donner leur nom, dans une région imprégnée d'une ferveur sécessionniste à laquelle ils se sentent étrangers.

- Cinéaste insultée -

La cinquième banque la plus importante d'Espagne, Banco Sabadell, installée à Barcelone depuis sa fondation en 1881, a décidé jeudi de transférer son siège social hors de Catalogne. Et CaixaBank envisageait de lui emboiter le pas vendredi.

"C'est un désastre", réagit Asuncion Garcia. "Les gens ont peur de se retrouver sans travail, ou de ne pas être en mesure de retirer leur argent" de la banque.

La question de l'indépendance divise aussi les familles. Jose Maria, 46 ans, gérant de cafés à Barcelone qui refuse de donner son nom, confie que ses deux fils sont pro-indépendance, lui non: "Si on parle du sujet, on se dispute".

Dans une tribune publiée par le journal El Pais, la cinéaste catalane Isabel Coixet a déploré avoir été traitée de "fasciste" par des inconnus alors qu'elle promenait son chien, à cause de ses prises de position publiques contre l'indépendance.

"Depuis des mois, des années peut-être (...) les insultes et le discrédit envers ceux qui, comme moi, ne suivent pas la pensée unique de l'indépendantisme et manifestent leur désaccord ont été constants", a écrit la réalisatrice.

Isabel Coixet fait partie des nombreux intellectuels et artistes - tels les écrivains Javier Marias, Juan Marse et Javier Cercas - qui avaient appelé à ne pas participer au référendum du 1er octobre, dans un manifeste dénonçant "une escroquerie démocratique" destinée à légitimer une déclaration unilatérale d'indépendance.

- 'Des choses plus importantes' -

Juan, retraité de 67 ans, se demande à présent comment sa région - prospère mais très endettée (35,4% de son PIB, soit 76 milliards d'euros) - pourrait être capable de financer un nouvel Etat: "Ils ne pourront pas payer ce qu'il y a ici, verser les pensions de retraite. Il faut qu'ils aient une armée, ils doivent payer la police, la propreté, beaucoup de choses..."

A L'Hospitalet-de-LLobregat, en banlieue de Barcelone, David Fernandez, vitrier de 42 ans, s'inquiète de cette situation confuse: "S'ils déclarent l'indépendance, que se passera-t-il? Est-ce qu'il y aura la santé publique gratuite, du travail pour tous?"

David fait cependant partie des Catalans outrés par la répression policière mais assure que même cette question lui a créé des problèmes avec ses amis qui, eux, jugeaient "justifiée" l'action des forces de l'ordre.

Revenant à l'indépendance, il conclut: "avec la crise, le chômage, il y a des choses plus importantes que tout ça".

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