En Cisjordanie, une famille palestinienne enclavée derrière un mur israélien

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Par Hossam EZZEDINE - Ramallah (Territoires palestiniens) (AFP)
Publié le 26 janvier 2018 - 19:03
Mis à jour le 31 janvier 2018 - 11:54
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Une photo montrant des membres de la famille palestinienne Joumaa, dont la maison est encerclée par le mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie occupée, le 25 décembre 2017
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© ABBAS MOMANI / AFP
Une photo montrant des membres de la famille palestinienne Joumaa, dont la maison est encerclée par le mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie occupée, le 25 décembre
© ABBAS MOMANI / AFP

D'un côté les Palestiniens, de l'autre les Israéliens: la logique du mur construit par Israël est claire, sauf qu'entre Bet El et Al-Bireh, la logique a une faille, au sens propre comme au figuré.

La faille a la forme d'un passage de plusieurs mètres de large dans le mur atteignant jusqu'à six mètres de haut. Un passage aménagé par Israël pour que la famille Joumaa maintienne le lien avec les autres Palestiniens et le monde extérieur, de l'autre côté du mur.

Cette famille subit l'une de ces incongruités que génèrent le conflit israélo-palestinien et l'occupation de la Cisjordanie par Israël.

L'armée israélienne a récemment prolongé le mur protégeant la colonie juive de Bet El. Le tracé du mur a placé les Joumaa du côté de la colonie et les a coupés de la ville palestinienne d'Al-Bireh.

La vie des Joumaa est tournée vers Al-Bireh, et non vers Bet El, où vivent environ 6.000 colons. Quand il arrive aux soldats d'effectuer des contrôles auprès du passage dans le mur, cela signifie pour les Joumaa passer un check-point pour aller acheter leur lait ou aller à l'école.

- 'Nous vivons seuls' -

"Ce mur nous sépare (...) des Palestiniens. J'ai l'impression d'être à l'intérieur d'une colonie alors que je suis Palestinien", explique Hossam Joumaa, 54 ans, père de huit enfants.

"Maintenant nous vivons seuls", se plaint-il.

Dans la maison en pierres entourée de potagers, Hossam ainsi que ses frères et leurs enfants --25 personnes en tout-- vivent comme dans une enclave. Car le terrain a beau être du côté de Bet El, il est coupé de la colonie par des barrières sur l'arrière de la parcelle.

Les Palestiniens sont interdits d'entrée dans les colonies, sauf autorisation particulière, notamment pour travailler, comme le font des dizaines de milliers d'entre eux.

La colonie de Bet El avoisine une implantation militaire israélienne, ainsi que le camp de réfugiés de Jalazoune. Un carrefour proche est un lieu de confrontation privilégié entre lanceurs de pierres palestiniens et soldats israéliens.

Plus de 600.000 colons israéliens coexistent de façon souvent conflictuelle avec près de trois millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est annexée.

La colonisation est illégale au regard du droit international. Une grande partie de la communauté internationale la considère comme un obstacle majeur à la paix, ce que conteste le gouvernement israélien.

Le ministère israélien de la Défense a indiqué dans un message à l'AFP que la construction du mur avait été rendue nécessaire par "le nombre significatif de coups de feu tirés en direction de Bet El à partir de voitures" passant sur la route proche.

La famille Joumaa explique avoir été informée il y a trois ans que le mur longeant Bet El serait prolongé et qu'elle se retrouverait à l'opposé d'Al-Bireh. Elle dit s'être tournée vers les responsables palestiniens, en vain.

- Peur des attaques -

Les travaux ont d'abord eu lieu de nuit, rapporte Hakim Joumaa, un frère de Hossam. Mais ils se sont accélérés et les ouvriers se sont mis à terrasser de jour quand le président américain Donald Trump a annoncé le 6 décembre reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël. Une déclaration qui a déclenché une série de manifestations.

Cette barrière "ne cause aucun tort aux Palestiniens", assure le ministère israélien de la Défense.

Les Joumaa sont d'un autre avis. Se retrouver de ce côté du mur est anxiogène, dit Hossam. Les violences entre Palestiniens et colons sont courantes. Au début des années 90, des colons ont brisé les vitres de leur maison, dit-il.

"Nous redoutons des attaques de colons à tout moment", s'inquiète-t-il. Il évoque aussi la présence régulière de soldats israéliens sur la route et le risque de se retrouver confrontés à eux. Les enfants ont peur d'aller seuls à l'école ou faire les courses, dit la famille.

La situation des Joumaa est un exemple de la fragmentation des vies constamment dénoncée par des ONG du fait des barrières et des check-points israéliens.

Hakim Joumaa préfère tourner la réalité en dérision. "Aujourd'hui, nous sommes indépendants. Nous allons proclamer la +Grande République des Joumaa+", déclare-t-il alors que la perspective d'indépendance palestinienne a rarement paru plus lointaine.

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