En Thaïlande, la précarité des travailleurs birmans face à des agents peu scrupuleux

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Par Sophie DEVILLER et Richard SARGENT - Yangon (Birmanie) (AFP)
Publié le 04 octobre 2018 - 13:29
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Des travailleurs immigrés birmans, le 20 septembre 2018 àSamut Sakhon, en Thaïlande
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© Lillian SUWANRUMPHA / AFP
Des travailleurs immigrés birmans, le 20 septembre 2018 àSamut Sakhon, en Thaïlande
© Lillian SUWANRUMPHA / AFP

Extorsion, pots-de-vin, abus: malgré une nouvelle loi en Thaïlande pour lutter contre l'exploitation des travailleurs étrangers, de nombreux immigrés birmans sont victimes d'agents peu scrupuleux qui les escroquent contre la promesse d'un emploi dans le royaume, dénoncent des ONG.

Plus de deux millions de Birmans sont employés dans le pays, d'après les statistiques gouvernementales. Et plusieurs centaines de milliers sont toujours clandestins malgré un mouvement massif de légalisation ces derniers mois, selon l'association Migrants Workers Rights Network (MWRN).

Légaux ou illégaux, la plupart travaillent dans la construction, la pêche ou l'agriculture, autant de secteurs boudés par les Thaïlandais mais vitaux pour l'économie du pays.

Après la révélation de cas d'immigrés birmans réduits en esclavage sur des bateaux de pêche, la Thaïlande a été menacée de sanctions par l'Union européenne. Dans la foulée, elle a adopté une loi, entrée en vigueur en juillet 2017, censée notamment mettre un terme aux abus dans le processus de recrutement des travailleurs.

Désormais, ce n'est plus au travailleur de payer les frais pour trouver un emploi, mais à l'entreprise qui l'embauche, une évolution importante pour la Birmanie où, d'après la Banque mondiale, un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté.

Mais dans la pratique, les employeurs thaïlandais ne paient pas toujours les agences de recrutement, déplorent des ONG.

"Elles vendent alors leurs services aux agents birmans les plus offrants, qui exigent que le travailleur rembourse les coûts", résume Andy Hall, militant spécialisé dans les droits des migrants.

"Ce dernier se retrouve endetté, une situation qui peut entraîner de graves violations des droits de l'homme et notamment du travail forcé", ajoute-t-il.

- "Véritable mafia" -

La situation est encore pire pour les clandestins, selon lui.

"Un agent m'avait promis un emploi, mais il m'a volé toutes mes économies. Aujourd'hui, je suis en danger", raconte Ma Ei, 27 ans. "Ces gens-là jouent avec nos vies pour de l'argent et, si on porte plainte contre eux, ils nous menacent", ajoute-t-elle.

Quelque 130 agences de recrutement spécialisées sont enregistrées en Birmanie et en Thaïlande, d'après MWRN.

"Elles sont nécessaires car les migrants ne comprennent pas les démarches à effectuer, mais la profession n'est pas assez régulée", déplore Aung Kyaw, qui travaille pour cette ONG, évoquant "une véritable mafia".

Il relate le cas de cette famille de douze personnes à qui un courtier avait promis il y a quelques mois un emploi dans une conserverie de poissons et qui les a finalement emmenés travailler sur un bateau de pêche.

"Les hommes ont été battus, deux des enfants âgés de 11 et 12 ans forcés de travailler et les passeports confisqués", raconte-t-il, ajoutant que le courtier a été arrêté il y a deux semaines.

Les autorités thaïlandaises insistent sur le fait que les agents installés dans le royaume sont étroitement contrôlés et encourent de lourdes amendes s'ils ne respectent pas la loi.

Les torts "pourraient être du côté des recruteurs en Birmanie", estime Anurak Tossarat, directeur général du département de l'emploi au ministère du Travail.

"En cas d'abus, les travailleurs birmans doivent s'adresser aux autorités. Nous vérifierons leur situation et des poursuites pourront être engagées", ajoute-t-il.

Mais, pour Phil Robertson, porter plainte reste très intimidant d'autant que les migrants n'ont pas le droit de créer des syndicats. "Si vous intentez une action contre un agent, votre sécurité n'est pas garantie", souligne-t-il.

Les ONG exhortent les acheteurs étrangers à faire pression sur les epmployeurs thaïlandais.

Sollicités par l'AFP, Tesco, Nestlé et Mars - qui emploient des travailleurs immigrés pour fabriquer certains produits en Thaïlande- ont indiqué coopérer avec leurs partenaires locaux pour que les pratiques s'améliorent.

Egalement contactée, la Chambre de commerce de Thaïlande n'était pas disponible pour commenter ces informations.

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