Haïti sous tension, le pouvoir exécutif absent

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Par Amelie BARON - Port-au-Prince (AFP)
Publié le 21 novembre 2018 - 19:17
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Des barricades érigées par des manifestants dans les rues de Port-au-Prince, le 21 novembre 2018
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© HECTOR RETAMAL / AFP
Des barricades érigées par des manifestants dans les rues de Port-au-Prince, le 21 novembre 2018
© HECTOR RETAMAL / AFP

Une tension inhabituelle règne en Haïti où la présidence semble être aux abonnés absents, après de grandes manifestations émaillées de violences et aiguillées par une jeunesse qui dénonce la corruption du pouvoir et réclame la démission immédiate du chef de l'État Jovenel Moïse.

Trois personnes ont été tuées par balle dimanche au cours de ces mobilisations contre la corruption et contre le pouvoir en place, selon la police nationale d'Haïti (PNH), alors que l'opposition évoque un bilan de 11 tués sur l'ensemble du pays.

Depuis, écoles, commerces et entreprises privées sont restées fermées dans les principales villes du pays suite à un appel à la grève générale lancé par l'opposition.

D'ordinaire encombrée d'embouteillages, la capitale Port-au-Prince était encore désertée mercredi matin par ses habitants, dont peu se risquent à sortir dans la rue pour vaquer à leurs activités.

"C'est seulement quand les rues sont vides que les politiciens commencent à voir qu'il y a un problème", se désole Alix Bernardin, 27 ans, habitant un quartier populaire de la capitale. "Trop de sang a coulé dans le pays, il faut que (le président) Jovenel parte."

"On n'en peut plus de vivre comme ça, frustrés, parce qu'on sait bien comment les gens vivent à l'étranger. Nous, on n'a pas d'eau potable, d'hôpital, de logement", témoigne Jean Junior, 30 ans, estimant que le président ne fait que "des promesses qu'il ne tient pas".

Si la police patrouille le long des principaux axes de la ville et stationne aux principaux carrefours, plusieurs routes restent bloquées par des barricades enflammées. Des tirs répétés résonnent en divers quartiers de l'aire métropolitaine, alimentant l'angoisse de la population.

Dans la commune la plus aisée de l'aire métropolitaine, Pétionville, les deux seules stations essence ouvertes ont été prises d'assaut par des chauffeurs de taxi-motos inquiets de ne pouvoir se réapprovisionner.

"Nous sommes toujours dans l'après" manifestation, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police nationale haïtienne, Gary Desrosiers.

"Nous restons sur le terrain pour assurer la protection de tout le monde", a-t-il ajouté.

- Report du discours présidentiel -

Depuis la tenue de la manifestation, le président Jovenel Moïse ne s'est pas exprimé sur la situation du pays.

Une allocution devait être diffusée à la télévision d'Etat mardi, mais plusieurs heures après l'annonce du ministère de la communication, seul un message d'excuse a défilé sur les écrans pour annoncer le report du discours.

"Nous avons connu des défaillances techniques" a expliqué mercredi matin Emmanuel Jean-François, conseiller du président joint par téléphone. "Nous allons prendre toutes les dispositions pour que cela soit diffusé ce matin", a-t-il ajouté sans préciser l'horaire.

Ce raté en communication a été largement critiqué sur les réseaux sociaux, certains citoyens refusant de croire à un problème technique, d'autres déplorant une incompétence de la présidence.

Lundi soir, la présidence a simplement transmis un court communiqué de presse, accompagné d'une photo d'une rencontre entre le président Jovenel Moïse, le premier ministre Jean-Henry Céant, entourés des présidents des deux chambres du parlement et du président de la cour de cassation.

Le texte appelle à que le pouvoir exécutif "poursuive le dialogue avec tous les secteurs de la vie nationale, résolve les problèmes liés à l'insécurité, intensifie les programmes d'apaisement social".

Arguant que la situation échappe au contrôle de Jovenel Moïse, divers groupes d'opposition formulent des propositions de sortie de crise impliquant le départ du président, sans parvenir à former une coalition.

Depuis cet été, les manifestations se multiplient pour réclamer la reddition des comptes dans le dossier Petrocaribe, un programme initié par l'ancien président vénézuélien Hugo Chavez qui permet à plusieurs pays d'Amérique latine et des Caraïbes d'acquérir des produits pétroliers à un coût avantageux.

Face à une pauvreté grandissante, le mouvement citoyen "Petrocaribe Challenge" a été lancé en août sur les réseaux sociaux pour demander où l'argent prêté par le Venezula a été dépensé.

En 2016 et 2017, deux enquêtes du Sénat haïtien sur le mauvais usage de près de deux milliards de dollars de ce fonds avaient épinglé une douzaine d'anciens ministres, du parti actuellement au pouvoir, mais jamais ces rapports n'avaient été suivis de poursuites judiciaires.

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