"Il peut me tenir la main" : lueur d'espoir pour un blessé de la tuerie de Christchurch

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Par Jerome TAYLOR, Daniel DE CARTERET - Christchurch (Nouvelle-Zélande) (AFP)
Publié le 18 mars 2019 - 11:54
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Zeynia Endrise, dont le mari Abbas Tahir Endrise a été blessé lors de l'attaque de la mosquée al-Nour à Christchurch, interviewée par l'AFP le 18 mars 2019
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© Anthony WALLACE / AFP
Zeynia Endrise, dont le mari Abbas Tahir Endrise a été blessé lors de l'attaque de la mosquée al-Nour à Christchurch, interviewée par l'AFP le 18 mars 2019
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Etendu devant la mosquée de Christchurch, perdant son sang après avoir reçu une balle, Abbas Tahir Endrise n'a pas pu prononcer un seul mot quand il a tenté d'appeler sa femme au téléphone.

Après des soins intensifs, il peut maintenant respirer seul à nouveau et serrer sa main, redonnant un peu d'espoir à son épouse.

Abbas est l'un des 31 survivants du massacre de vendredi à être soigné à l'hôpital de la ville.

Sa femme, Zeynia Endrise, était en train de cuisiner à la maison vendredi quand son téléphone, affichant le numéro de son mari, s'est mis à sonner.

"Il essayait de m'appeler, de me parler mais n'y arrivait pas", a-t-elle expliqué à l'AFP devant l'hôpital de Christchurch.

Elle prie pour qu'il s'en sorte et puisse voir grandir son fils de deux ans, Rayyan, et un bébé qu'elle attend pour juin.

Elle a d'abord pensé qu'il avait été victime d'un accident en allant à pied à la mosquée al-Nour, comme toutes les semaines pour la prière du vendredi.

Mais quand elle a rappelé son numéro, c'est une femme avec un accent néo-zélandais qui a répondu.

"Elle a décroché et a dit: +On a tiré sur votre mari, dans le dos+". "Oh mon dieu, j'étais vraiment choquée, choquée, choquée. Je ne savais pas quoi faire, je pleurais, je criais", a raconté Zeynia.

- Au premier rang -

Dans la mosquée, Abbas était au premier rang, proche de la porte quand l'auteur du massacre, Brenton Tarrant, a surgi.

L'extrémiste australien s'est engouffré dans la mosquée et a commencé à viser les fidèles avec son arme semi-automatique, selon l'un des témoins, Abdul Kadir Ababora.

Abbas "était sur ma gauche, au premier rang, il ne pouvait pas s'échapper", a expliqué ce dernier, qui a échappé miraculeusement à la tuerie en se réfugiant derrière une étagère.

L'une des balles a touché Abbas sur le côté, déchiré son poumon droit, et est ressortie par son épaule. Elle est passée si près de sa tête qu'elle a écorché son oreille droite.

Zeynia a vécu les trois derniers jours comme dans un tourbillon terrible.

Elle a fait des allers et retours entre le chevet de son mari, entouré de tubes et de machines destinés à le maintenir en vie, entendu les compte-rendus des médecins, répondu aux appels frénétiques des proches, tout en s'occupant de son fils Rayyan.

Arrivé dans un état critique, Abbas a commencé à émerger dimanche et il a ouvert les yeux pour la première fois. Quand Zeynia a pris sa main, il l'a serrée faiblement.

Lundi, les médecins ont pu enlever les tubes qui l'aidaient à respirer.

"Il a ouvert les yeux, il peut me voir, me tenir la main. Mais il ne peut pas encore me parler", explique sa femme.

Zeynia, 34 ans, est arrivée à Christchurch en 2010 de la ville éthiopienne de Bahir Das. En Nouvelle-Zélande, elle a travaillé dans le nettoyage et obtenu la citoyenneté néo-zélandaise.

Abbas, originaire de la ville voisine de Gondar en Ethiopie, est arrivé cinq ans plus tard, a obtenu un permis de résidence et espérait bientôt devenir citoyen néo-zélandais.

- Sentiment de sécurité brisé -

Il avait récemment pris le travail de Zeynia dans le nettoyage alors qu'elle s'occupait de leur enfant et se préparait à l'arrivée du deuxième.

"Nous avons toujours pensé que nous étions en sécurité ici", dit-elle.

Un jour elle avait suggéré d'aller en Australie où les salaires sont plus élevés. Son mari l'en avait dissuadée, en disant: "la Nouvelle-Zélande est très sûre, nous restons ici pour toujours".

Mais ce sentiment de sécurité s'est brisé.

Incapable de dormir vendredi dernier tant l'angoisse de perdre son mari la rongeait, Zeynia a regardé avec horreur la vidéo du massacre que Tarrant a enregistrée et diffusée en direct sur Facebook.

Quand on lui demande si elle a quelque chose à dire au tireur, elle fait une pause. "Je n'ai pas de mots. Ce n'est pas humain. Tuer des bébés, trois ou quatre, ce n'est pas humain. Un garçon de trois ans (est mort). Je n'ai pas de mots."

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