La jeunesse cubaine confie son angoisse de l'après-Castro

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Par AFP
Publié le 24 novembre 2017 - 15:32
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Des cyclistes passent devant un terre plein où est inscrit le nom de l'ancien chef d'État Fidel Cast
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Des cyclistes passent devant un terre plein où est inscrit le nom de l'ancien chef d'État Fidel Castro, le 23 novembre 2017 à Santiago de Cuba
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Ils sont étudiants, fonctionnaires, acteurs du secteur informel ou blogueurs, et font partie de ces jeunes qui envisagent leur avenir à Cuba. Même si l'ère post-Castro qui se profile nourrit leurs inquiétudes.

Beaucoup ont longtemps été préoccupés par ce qui se passerait au moment de la mort de Fidel Castro, mais son décès il y a un an n'a pas fait vaciller le pays. Les frères Castro avaient pris les devants en organisant une transition en douceur.

Fidel a cédé les rênes à Raul dès 2006. Dans trois mois, ce sera au tour du cadet des Castro, 86 ans, de passer la main à une nouvelle génération pour la première fois depuis près de six décennies. Une perspective qui suscite nombre d'incertitudes jusque parmi les militants communistes.

Comme chaque soir, la jeunesse havanaise se retrouve le long du "Malecon", célèbre boulevard de bord de mer de la capitale. On trinque, on refait le monde et beaucoup ont l’œil rivé sur leur téléphone depuis que des bornes wifi ont été installées sur l'île à l'été 2015.

Interne en cardiologie à l'hôpital Calixto Garcia voisin, Ernesto Jimenez, 29 ans, se dit "optimiste" sur de futures transformations mais craint que cela "prenne du temps". Car "le peu de changements que j'ai vécu depuis 29 ans ont demandé beaucoup de travail".

"La situation économique est ce qui pénalise le plus la population cubaine et je crois que faire progresser ce secteur améliorerait notre quotidien", explique le médecin qui dit gagner 1.300 pesos par mois (52 dollars).

Laisi Chi, étudiant de 22 ans rencontré devant l'université de La Havane, un des viviers du Parti communiste cubain (PCC), clame lui sa "confiance dans le socialisme cubain, dans la révolution, pour qu'elle continue".

Laura de Leon, 18 ans, campe sur la même ligne. "On a de grands idéaux bien ancrés, (...) la nouvelle génération saura perpétuer l'héritage", assure cette étudiante en pharmacie donnant du "compañero" (camarade) au journaliste venu l'interviewer.

Les deux étudiants admettent toutefois que des réformes seront nécessaires pour moderniser le pays et une économie encore calquée sur un modèle soviétique obsolète malgré la timide ouverture initiée par Raul Castro.

"L'île va connaître des transformations car l'époque l'impose (...) tout ce qui se passe dans le monde l'implique", reconnaît Laura, tandis que Laisi admet que "la révolution doit s'ouvrir un peu plus au monde".

- Transition en trompe-l’œil? -

Ingénieur dans une entreprise étatique, Mario (nom modifié à la demande de l'intéressé) fait partie de ces Cubains ayant recours à l'économie informelle pour arrondir leurs fins de mois.

A 36 ans, il est l'un des relais du vaste réseau de vendeurs du "paquete", ces contenus audiovisuels provenant des Etats-Unis qui circulent chaque semaine sous le manteau.

Contrairement à de nombreux jeunes de l'île, Mario confie à l'AFP "vouloir rester" à Cuba, mais redoute que le pays "ne change pas". "Je crois que cela va continuer dans la même veine" avec les nouveaux leaders.

Pourtant il n'a cure d'un changement de régime. Il rêve simplement "d'un meilleur pouvoir d'achat et de plus d'opportunités d'emplois dans le privé", qui n'emploie que 20% des actifs.

Yunior Garcia Aguilera, directeur d'une compagnie de théâtre de 35 ans à Holguin (est), est aussi l'un des rares à ne pas voir d'avenir en dehors de l'île, même si "tout le monde sait qu'à Cuba les choses ne vont pas bien".

"On ne peut pas nous asseoir et espérer passivement que les autres s'occupent du changement (...) si quelque chose ne me plaît pas, c'est à moi de le changer", martèle l'artiste, connu pour son franc-parler et ses œuvres au vitriol.

Abraham Jimenez Enoa, 28 ans, regrette que les jeunes Cubains soient "plus soucieux de résoudre leurs problèmes personnels que de se poser des questions sur le pays". Ils veulent juste "remplir leur assiette, acheter une paire de Nike et voyager".

Ce blogueur, directeur du site d'informations indépendant El Estornudo, ne voit de salut ni dans la dissidence, vieillissante et inaudible, ni parmi cette jeunesse souvent indifférente.

"Les seuls qui se préoccupent (de politique) sont dans les extrêmes: ceux qui ont des intérêts plus personnels que politiques et ceux qui ressemblent à des clones des dirigeants du pays", déplore-t-il.

Enfin, souligne-t-il, la transition de février prochain n'en est pas vraiment une, "parce qu'au final celui qui gouverne à Cuba est le chef du PCC", poste que Raul Castro devrait conserver jusqu'au prochain congrès du parti unique en... 2021.

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