"Parapluies" de Hong Kong : des figures de la démocratie reconnues coupables

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Par Elaine YU - Hong Kong (AFP)
Publié le 08 avril 2019 - 13:25
Mis à jour le 09 avril 2019 - 11:00
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(G à D) Les vétérans du mouvement prodémocratie de Hong Kong, le pasteur baptiste Chu Yiu-ming, le professeur de droit Benny Tai et le professeur de sociologie Chan Kin-man avant leur procès au tribun
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© Anthony WALLACE / AFP/Archives
(G à D) Les vétérans du mouvement prodémocratie de Hong Kong, le pasteur baptiste Chu Yiu-ming, le professeur de droit Benny Tai et le professeur de sociologie Chan Kin-man avant l
© Anthony WALLACE / AFP/Archives

Des figures du mouvement prodémocratie de Hong Kong risquent la prison après avoir été reconnues coupables mardi de "troubles à l'ordre public" pour leur rôle dans des manifestations monstres qui avaient paralysé l'ex-colonie britannique et courroucé Pékin.

Le procès de ces militants a été dénoncé par les défenseurs des droits de l'homme, qui s'inquiètent des restrictions de libertés dans la mégapole revenue en 1997 dans le giron de la Chine, et confrontée à l'emprise de plus en plus affirmée de cette dernière.

Trois vétérans du mouvement et six co-prévenus ont été reconnus coupables d'au moins un chef d'inculpation à l'issue de ce procès qui a vu l'accusation se servir d'un système de droit rarement utilisé et hérité de l'ère coloniale.

Ils sont punis pour leur participation à la "révolte des parapluies" de l'automne 2014 qui avait réclamé en vain à Pékin des réformes politiques.

Chan Kin-man, 60 ans, professeur de sociologie, Benny Tai, 54 ans, professeur de droit, et Chu Yiu-ming, 75 ans, pasteur baptiste, fondateurs en 2013 du mouvement "Occupy Central", sont les plus connus.

Ils ont été reconnus coupables de conspiration en vue de commettre un trouble à l'ordre public. MM. Tai et Chan l'ont été également pour incitation à commettre un trouble à l'ordre public. Ils ont en revanche été relaxés du chef "d'incitation à inciter" à de tels troubles.

Chaque prévenu encourt jusqu'à sept ans de prison aux termes de la "Common law", l'ancien système britannique fondé sur la jurisprudence. Si l'accusation avait choisi de les poursuivre en vertu du code pénal classique découlant de lois écrites, ils risquaient trois mois.

On ignorait dans l'immédiat quand les sentences seraient prononcées.

Le but "d'Occupy" était de bloquer le quartier d'affaires de Hong Kong si un suffrage universel libre n'était pas instauré pour élire le président du gouvernement local, lequel est désigné par un comité pro-Pékin.

- "Persévérer" dans le combat -

Mais les anciens furent débordés par la jeunesse et le mouvement étudiant, la situation explosant en 2014 quand les policiers tirèrent du gaz lacrymogène sur les protestataires, qui se protégèrent avec des parapluies.

La révolte avait paralysé des quartiers entiers de l'une des capitales mondiales de la finance pendant plus de deux mois.

Depuis, plusieurs militants ont été poursuivis par le ministère de la Justice, certains purgeant des peines de prison. Certains ont également été interdits de se présenter à une élection, d'autres disqualifiés au Parlement.

Le juge Johnny Chan a estimé que les manifestations étaient exclues du champ d'application des lois hongkongaises sur la liberté d'expression.

"Le caractère déraisonnable des nuisances était tel que le droit important et protégé de manifester doit céder le pas", a-t-il dit. "Ces actes ne sont pas garantis par la loi".

Les trois vétérans, qui n'avaient été inculpés que deux ans après le mouvement, ont fait montre de détermination en arrivant au tribunal de Kowloon West.

"Peu importe ce qu'il se passe aujourd'hui, je suis sûr que beaucoup de gens vont se rassembler et continuer à lutter pour la démocratie à Hong Kong. Nous allons persévérer, nous n'allons pas jeter l'éponge", a déclaré M. Tai.

"Je crois toujours au pouvoir de l'amour et de la paix. Je n'ai aucun regret pour ce que j'ai fait", a ajouté Chan Kin-man.

Pour les défenseurs des droits humains, Amnesty International et Human Rights Watch en tête, c'est un procès politique. L'utilisation de chefs mal définis sur les troubles à l'ordre publics menace la liberté d'expression, préviennent-ils.

- "Etouffer le débat" -

Il existe "un réel danger de voir de plus en plus de gens être poursuivis pour militantisme pacifique. Les autorités semblent déterminées à tenter d'étouffer tout débat sur les sujets sensibles à Hong Kong, surtout ceux ayant trait à la démocratie et à l'autonomie", dit Man-kei Tam, directeur d'Amnesty Hong Kong.

Le juge Chan a démenti que sa décision aurait des répercussions sur le droit à manifester. "On ne peut raisonnablement dire qu'un chef de conspiration en vue de commette un trouble à l'ordre public aurait un effet glaçant sur la société".

En vertu du principe "Un pays, deux systèmes" qui a présidé à sa rétrocession, Hong Kong jouit sur le papier de droits inconnus dans le reste de la Chine, dont la liberté d'expression.

Mais nombreux sont ceux qui perçoivent une emprise de plus en plus marquée du gouvernement chinois central sur les affaires hongkongaises, et un recul des libertés.

Au procès à l'automne, l'accusation avait argué que les manifestations de masse avaient "causé du tort aux habitants" touchés par le blocage des voies de circulation.

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