Pérou : des indigènes donneront un arc au pape pour qu'il les aide

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Par Katell ABIVEN - Puerto Maldonado (Pérou) (AFP)
Publié le 18 janvier 2018 - 09:30
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Un membre de la tribu Ese Eja de Palma Real tient un arc et une flèche, avant la visite du pape François à Puerto Maldonado, le 17 janvier 2018 au Pérou
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© Ernesto BENAVIDES / AFP
Un membre de la tribu Ese Eja de Palma Real tient un arc et une flèche, avant la visite du pape François à Puerto Maldonado, le 17 janvier 2018 au Pérou
© Ernesto BENAVIDES / AFP

Un arc et une flèche: c'est le cadeau symbolique que remettra vendredi une communauté indigène péruvienne au pape François afin qu'il les défende et réclame pour eux les terres ancestrales dont ils ont été privés.

"Nous sommes un peuple dépouillé de ses terres originelles", clame César Jojaje Eriney, 43 ans, président de la tribu Ese Eja de Palma Real, alors qu'il ajuste sa couronne de plumes de perroquets sur la tête et qu'il enfile son collier traditionnel, fait de dents de jaguar et de cochon sauvage.

César voit la venue du pape "avec un regard d'espoir, afin que l'Etat péruvien nous rende nos terres" par son intermédiaire. "C'est l'unique fenêtre, l'unique opportunité".

Dans cette communauté de 230 habitants, accessible uniquement après deux heures de bateau à travers l'Amazonie depuis la ville de Puerto Maldonado (sud-est du pays), les enfants courent pieds nus au milieu des poules et, parmi les rares indices de modernité, quelques téléphones portables, des maillots de football et plusieurs motos.

Le souverain pontife sera vendredi à Puerto Maldonado, où il rencontrera 3.500 indigènes péruviens, brésiliens et boliviens.

Chez les Ese Eja, c'est le grand déménagement: 187 habitants se sont inscrits pour participer à la visite, dans cette ville où ils ne se rendent généralement qu'une fois par an.

- 'Un petit vieux gentil' -

L'Eglise s'est chargée d'organiser le transport de ces communautés pauvres, souvent dépourvues de bateaux.

Huit ont été affrétés pour Palma Real et les indigènes, venus en familles entières, s'y installent, chargés de bagages, de vivres et d'eau pour les trois jours que doit durer leur séjour. Armé d'un mégaphone, César bat le rappel.

Mais qui est le pape pour eux? "Ils savent que c'est le grand évêque de tous", explique Martin Ramirez, envoyé par Caritas pour superviser le transfert de cette communauté. Il confie toutefois qu'il a été nécessaire d'envoyer au préalable "un comité pour leur expliquer qui est le pape et pourquoi cette rencontre a lieu".

"Nous, nous l'appelons Papachi, le gentil papa, un petit vieux gentil", indique César. D'autres indigènes de la région le surnomment "Apaktone", le vieux papa.

Vendredi, il veut lui transmettre deux messages: "Merci de nous avoir sauvé la vie", car l'Eglise catholique avait protégé la communauté dans les années 1940 face à l'essor du caoutchouc, à cause duquel de nombreux indigènes ont été tués. "Nous étions 25.000-30.000, aujourd'hui à peine 600" en comptant les deux autres tribus Ese Eja de la région.

Mais "qu'il nous sauve la vie une fois de plus, parce que nous ne pouvons pas disparaître!", s'alarme César, dénonçant l'appropriation par l'Etat d'une partie de leurs terres.

- Menace de l'orpaillage -

Car si les Ese Eja vivent simplement, subsistant grâce à la culture de châtaignes, leurs territoires abritent des richesses qui font saliver les multinationales: de l'or, du gaz et du pétrole.

L'orpaillage est déjà un fléau dans la région, créant d'énormes cratères de boue dans la forêt et déversant du mercure dans l'eau, utilisé pour extraire l'or.

"Hier, ils nous ont tués en nous tirant dessus, aujourd'hui ils veulent nous exterminer en nous faisant mourir de faim", se lamente César, accusant le gouvernement d'attribuer des concessions à des grands groupes.

Outre de l'artisanat réalisé par des femmes Ese Eja, la communauté offrira donc au pape argentin, le premier de l'Histoire originaire d'Amérique latine, "un arc et une flèche pour qu'il puisse nous défendre".

Non loin de là, Jacinto Savera Chatawa, 70 ans et père de 12 enfants, n'est guère ému par cette visite, rappelant que l'évangélisation a surtout servi à imposer à son peuple des règles différentes aux siennes.

"On nous a civilisés, et l'indigène qui avait le droit à trois, quatre épouses, le curé a interdit ça", dit-il pendant qu'un petit singe noir se prélasse sur ses genoux.

"Notre dieu, c'est Edosikiana" et non celui des catholiques, ajoute Jacinto, qui n'ira pas voir le pape vendredi à Puerto Maldonado: "Ce serait un dieu du ciel qui viendrait, avec des ailes de deux mètres, peut-être", rigole-t-il avec sa famille. "Mais c'est juste un humain".

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